La première a menacé de «frapper» le second, le second de faire subir à la première «de sinistres conséquences». Les présidents rwandais Paul Kagame et tanzanien Jakaya Kikwete tentent depuis, de calmer le jeu. En effet, jamais l'escalade verbale entre les deux pays n'a été si loin. Tout a commencé fin mai, au cinquantenaire de l'Union africaine à Addis-Abeba. Irrité de l'instabilité chronique en Afrique des Grands Lacs, Jakaya Kikwete conseille à ses homologues de République démocratique du Congo (RDC) Joseph Kabila, d'Ouganda Yoweri Museveni et du Rwanda Paul Kagame de négocier avec les rebelles qui les combattent. Paul Kagame, qui a mis fin au génocide des Tutsi dans son pays en 1994 avant de prendre le pouvoir, se voit ainsi conseillé de négocier avec la rébellion hutu rwandaise des Fdlr (Forces démocratiques de libération du Rwanda), l'un des nombreux groupes armés actifs dans l'Est de la RDC. Un affront pour Kigali qui considère les Fdlr comme des génocidaires en fuite, avec lesquels tout dialogue est exclu. Sur le moment, le président rwandais se mure dans un mutisme éloquent, laissant sa ministre des Affaires étrangères Louise Mushikiwabo dénoncer une «aberration». Puis les deux chefs d'Etat échangent des propos d'une violence inédite, à coups de sous-entendus plus ou moins explicites. Le 30 juin, Paul Kagame avertit ceux qui lui «conseillent de négocier avec les Fdlr»: au moment opportun, «je vous frapperai» car «il y a des lignes rouges à ne pas franchir». Quelques jours plus tard, il explique que ses «mains le démangent» quand certains s'en prennent «à ce que (le Rwanda) a construit» ces dernières décennies et il se dit prêt «à la guerre». Sans citer de noms, Jakaya Kikwete réplique en promettant de «sinistres conséquences» à quiconque attenterait à l'intégrité territoriale de son pays et rappelle le sort réservé au dictateur ougandais Idi Amin Dada, renversé en 1979 par une contre-offensive tanzanienne, après une incursion de l'armée ougandaise en Tanzanie. Kigali - qui dément - est accusé par l'ONU de soutenir le M23, mouvement de rebelles congolais majoritairement tutsi qui combat Kinshasa dans la province minière du Nord-Kivu depuis mi-2012. L'escalade verbale, exacerbée selon des analystes par une bataille d'ego entre dirigeants de la Communauté d'Afrique de l'Est (EAC), intervient alors que la Tanzanie participe à une brigade d'intervention de l'ONU dans le Nord-Kivu, chargée d'y éradiquer les rébellions et regardée avec suspicion par le Rwanda. Y-a-t-il un risque que la joute verbale dégénère dans l'Est de la RDC? «La solution ne peut être que politique», estime André Guichaoua. Si nécessaire, note-t-il, Kigali pourrait donner un nouveau coup de pouce au M23 pour qu'il prenne Goma, capitale du Nord-Kivu, comme en novembre 2011. Le mouvement «neutraliserait la brigade des Nations unies dirigée par un général tanzanien, en montrant son impuissance».