L'Algérie connaît une précampagne inédite. Toutes les parties intéressées par la prochaine bataille électorale ont mis le cap sur l'Europe occidentale où elles intensifient les rencontres avec la communauté nationale, mais aussi les sorties médiatiques, lesquelles n'ont pu avoir lieu à l'Entv. Le candidat du MRN est incontestablement le plus «rodé» dans ce marathon d'outre- Méditerranée. Il a sillonné la France, la Grande-Bretagne, la Belgique et comme dernière escale, qui a eu lieu hier, l'Italie. Renseignement pris, le périple de Djaballah obéit au moins à quatre raisons cardinales. La première consiste à rétablir le contact avec les Algériens vivant à l'étranger et les inciter à s'impliquer activement lors du jour du vote. La deuxième a trait à la réanimation de ses comités de soutien qui auront pour mission de mener la campagne électorale qui s'annonce d'ores et déjà palpitante vu l'intérêt porté par l'ensemble des candidats à cette communauté. La troisième a un lien avec le verrouillage du champ médiatique. Les capitales européennes où siègent des chaînes algériennes privées, sont une aubaine inespérée pour M. Djaballah pour laisser libre cours à ses idées qui ne sont point parvenues, en cette conjoncture particulière, à franchir le mur de l'Entv. La quatrième comporte dans sa substance l'envie de «mettre à nu, à l'adresse de l'opinion nationale et internationale, le caractère dictatorial du Président de la République». Ainsi, la bataille européenne livrée par le leader du MRN est multidimensionnelle. Elle vise à la fois le lectorat algérien et l'opinion internationale. Pour le candidat du RCD, les voix d'outre-mer lui ont été toujours salvatrices au décompte final. Pour rappel, en 1995 Sadi a réalisé son plus grand score hors du territoire national avec un total de voix dépassant les 170.000. Donc, il va de soi que le patron du RCD ne laissera pas «un terrain de chasse» aussi fécond à ses adversaires. Selon M.Lounaouci, le préposé à la communication, le choix de l'Hexagone «n'est pas délibéré mais imposé». Il en veut pour preuve le peu de temps accordé aux candidats que: «Même si on fait deux wilayas par jour on n'arrivera pas à couvrir les 48 wilayas». «C'est la raison pour laquelle, a-t-il enchaîné, que nous nous sommes attelés à faire notre campagne en France et ailleurs avant le 18 mars». En outre, M.Sadi profitera de sa tournée électorale pour apparaître sur l'écran dont il se dit amplement frustré au pays. Autre grosse cylindrée, M.Benflis, en l'occurrence, n'est pas resté en marge de toute cette effervescence. D'ailleurs, il est le premier candidat à se déplacer en Europe à la rencontre des Algériens qui s'y sont établis. En sus de la liberté d'accès aux médias lourds et du besoin de marketing électoral, Benflis s'est assigné une mission autrement plus délicate, celle de renforcer sa légitimité en tant que secrétaire général du FLN auprès des organisations affiliées au parti. Prévenant, M.Bouteflika s'est impliqué discrètement dans cette campagne. C'est au moment où Benflis animait une série de meetings en Belgique que le chef de l'Etat et candidat à sa propre succession, envoyait ses ministres chargés de la communauté nationale à l'étranger en France dans l'objectif, disait-on du côté d'El Mouradia, «de prendre acte des doléances de notre communauté». Cette même communauté qui a été longtemps évacuée du débat politique national. Présentement, à ce rôle est affecté, M.Benyounès, président de l'UDR, l'un des alliés de Bouteflika après que ce dernier eut confirmé sa candidature. Point de convergence : tous les candidats promettent monts et merveilles aux émigrés. A l'unanimité, ils reconnaissent la nécessité de favoriser les investisseurs, être présents diplomatiquement pour recouvrer les droits de tous les Algériens auprès des chancelleries occidentales ou ailleurs et rendre à l'émigré algérien son aura d'antan. Par contre, la différence est dans les faits. Malgré les liens ténus qui unissent la classe politique et les émigrés, ces derniers ont de tout temps marqué les échéances électorales. Leur «nationalisme» était fréquemment au rendez-vous. Et c'est peut-être là le stimulant des quatre candidats à se déployer énergiquement dans les pays étrangers à forte concentration algérienne. Louisa Hanoune et Ali Fawzi Rebaïne, qui se refusent pourtant à être les «lièvres de quiconque» se sont auto-éliminés de cette course.