Le remaniement ministériel serait-il le coup d'envoi pour la présidentielle 2014? Comme nous l'avions prévu, la loi statistique a encore joué (L'Expression du 4 septembre 2013) et Bouteflika a donc procédé, cette fois aussi, à un remaniement ministériel à la veille de l'élection présidentielle. Ce remaniement a, curieusement, été précédé par des fuites, presque ostentatoires dirions-nous, sur Internet, puisque beaucoup de noms ont été balancés sur plusieurs sites avec des postes précis. Certains avaient rapporté les noms des partants, d'autres les noms des entrants... bref, tous ou presque étaient dans le vrai. Jamais composition de gouvernement n'avait été connue à l'avance, mais cette fois, comme s'il s'agissait quelque part de confirmer la généralisation d'un nouveau mode opératoire à tous les niveaux, les choses ont eu lieu autrement. Certains confrères étaient tellement sûrs des détails en leur possession qu'ils avaient même donné l'information sur des colonnes sans attendre le communiqué officiel de la Présidence. Et ils étaient en plein dans l'information. Quoi qu'il en soit, l'information était connue avant d'être donnée par le canal officiel et elle a donné lieu à beaucoup de réactions, tant sur les médias sociaux (fait nouveau, progrès oblige), que sur ceux traditionnels. Tout le monde est d'accord pour dire que jamais remaniement opéré par Bouteflika n'a été aussi important. Et, du coup, la majorité des observateurs y ont vu la volonté explicite de Bouteflika d'aller vers un 4e mandat. Ceci n'est pas à éloigner comme nous l'avions nous-mêmes suggéré dans un précédent article (L'Expression du 31/8/2013) à la suite de l'intronisation de Saâdani à la tête du FLN. Toutefois, et à bien considérer les choses, il existe quelques situations envisageables. Si on jette un regard sur les différentes variables d'influence de l'élection présidentielle de 2014, la manière de les combiner et d'en lire les implications nous donne plusieurs scénarii dont nous présentons les plus importants ou, du moins, ceux qui nous paraissent les plus probables. Les scénarii Mais avant cela, revenons au remaniement de mercredi dernier. En soi, ce remaniement n'est pas très important du moment qu'il ne constitue qu'un outil au service d'une stratégie. Bouteflika veut utiliser l'équipe gouvernementale aux fins de l'élection de 2014. Ceci est clair et nul ne peut le contester. Il suffit de voir Tayeb Bélaïz placé à la tête du ministère de l'Intérieur et des Collectivités locales et Tayeb Louh nommé ministre de la Justice, garde des Sceaux, pour comprendre que l'enjeu est bel est bien l'échéance d'avril 2014. Que les élections aient lieu à temps ou qu'elles soient reportées, ces deux hommes auront certainement leur part dans la décision finale. La désignation de Abdelkader Messahel «au Ravin de la Femme sauvage», siège de la communication, porte aussi le même sens car, comme on le sait, la communication est d'une importance cruciale dans des événements comme de l'élection présidentielle. Le départ de l'ex-secrétaire d'Etat à la Jeunesse, Belkacem Mellah, qui s'est vu éjecter hors du gouvernement à cause de son affiliation au RND peut être interprété, soit comme une liquidation des hommes de Ouyahia, soit comme le désir d'avoir une équipe homogène comme rapporté par certains analystes. Quant au départ des cinq ministres FLN, deux raisons semblent expliquer l'éviction de Harraoubia, Tou et Ziari. La première c'est que, d'une part, Harraoubia et Tou ont eu un bilan des plus catastrophiques en ce sens que rien dans leurs secteurs n'a jamais progressé alors que Ziari a dû payer le malaise du secteur et dont la gestion n'a pas dû être du goût de Bouteflika. La seconde raison, c'est celle avancée par les médias de tous bords et qui se rapporte au refus des trois hommes d'assister à l'intronisation d'un Saâdani à l'hôtel El Aurassi. De son côté, Benhamadi a payé cash sa maladresse qui concerne la 3G alors que Benaïssa a dû céder sa place à «du sang neuf». En gros, le remaniement, et bien que comportant un grand nombre de changements pour, supposons-nous, frapper l'imaginaire des Algériens, demeure tout à fait compréhensible. Une équipe de proches pour encadrer les élections et le reste pour gérer le quotidien des affaires du pays. Mais rien, dans ce remaniement, ne dit que Bouteflika a décidé de partir à la conquête du 4ème mandat. Ces derniers jours, le Président a opéré d'importants changements dans l'organigramme de certaines institutions sensibles pour la République. A quoi répondent-ils? Intox, manip, extrapolation médiatiques? L'avenir nous le dira. Le carré d'as Scénario 1: il se peut que Bouteflika se soit décidé pour un 4e mandat. Dans cette hypothèse, il existe deux cas de figure. Soit, par simple précaution, il veut écarter certains partenaires, traditionnels décideurs, dont il connaît l'importance dans les élections pour avoir le chemin libre vers ce 4ème mandat, soit alors, de l'autre côté, certains candidats risquent d'être soutenus et il anticipe en les privant de l'appui de ces mêmes partenaires. C'est dans ce sens qu'une certaine presse a parlé de Benflis et de l'évaporation de ses chances. Ceci donne une première explication et, dans ce cadre, le nouveau gouvernement intervient dans le cadre d'une préparation du 4ème mandat. Scénario 2: il est possible que Bouteflika ne cherche pas à se présenter à sa propre succession, mais à peser sur le choix de son successeur. Ceci pourrait très bien expliquer les bouleversements effectués au sein de certaines institutions sensibles et impliquées jusque-là dans la décision politique pour les empêcher de contrecarrer éventuellement son projet. Ceci aussi est une lecture possible et le nouveau gouvernement ainsi formé viendra conforter le Président dans son choix en cadrant une élection par l'intérieur et la justice. Scénario 3: néanmoins, on pourrait supposer que Bouteflika, non seulement ne cherche pas un 4e mandat mais en plus, veut empêcher toute partie d'imposer qui que ce soit et quoi que ce soit au peuple. Autrement dit, après les bouleversements de la scène politique arabe et régionale, il se peut que Bouteflika, la maladie aidant, ait pris la décision d'assurer une transition démocratique réelle à la tête du pays. Ceci expliquerait d'abord, les coupes apportées à ces institutions sensibles que l'on évoquait et ensuite, le choix des hommes pour encadrer la prochaine élection et assurer un déroulement normal, transparent et intègre. Mais dans ce cas, on ne comprend plus pourquoi il a mis Saâdani, le coordinateur des comités de soutien au Président Bouteflika à la tête du FLN? C'est pour cela que, à notre avis, seulement deux possibilités existent. Soit c'est Bouteflika qui part pour un 4e mandat, soit un candidat qu'il supporterait lui-même. Et, il y a beaucoup de chance, à notre avis, pour que ces jours-ci nous entendions des appels au 4e mandat. Le remaniement ministériel serait dans ce cas un coup d'envoi pour cet objectif. Autrement dit, une mise en place pour un ordre de bataille. Comme au poker, Bouteflika détient dans ses mains le beau jeu: un carrée d'as.