L'Algérie vit la première présidentielle de son histoire, dont l'issue n'est pas connue, voire déterminée d'avance. Parti nettement favori grâce à une précampagne entamée sur les chapeaux de roue, Bouteflika se fait rattraper par son «dauphin» grâce aux nombreux soutiens exprimés en sa faveur. Ainsi, à mesure que la campagne électorale progresse dans la durée, commençant même à ronronner avec ses redondances, de plus en plus d'observateurs avertis se demandent à juste titre qui l'emportera du président-candidat et de son ancien chef de gouvernement. La question taraude les esprits de manière de plus en plus pressante à mesure que le secrétaire général du Fln rattrape ses «retards» grâce à des soutiens de plus en plus nombreux et inespérés. Ainsi en est-il du plus important d'entre eux: celui d'Ahmed-Taleb El Ibrahimi et de son parti, le mouvement Wafa. Nul doute, comme l'admet Abdelkader Salat, que cette annonce, saluée bien bas, «pèsera lourdement dans le résultat final lors du scrutin du 8 avril prochain». Ce parti, non agréé, qui compte des militants et des sympathisants partout dans le pays, «est apte, estiment les observateurs avertis de la scène politique, à renverser la vapeur de manière très significative en faveur du candidat du FLN». Le même jour, c'est-à-dire vendredi, le FNA que préside Moussa Touati, optait pour le même choix. Ce parti, loin d'être négligeable, est fort de 8 députés en plus de centaines d'élus locaux qui traduisent sur le terrain sa véritable représentativité. A ces soutiens viennent s'adjoindre ceux de Mokdad Sifi, plusieurs acteurs politiques, hommes d'affaires et anciens cadres dirigeants déçus par l'Exécutif en place. Il en va ainsi de la présidente de l'organisation des victimes du terrorisme, de l'ancien secrétaire général du RND, de l'Unja, de l'Unea... etc. Outre l'apport humain qui en résultera forcément, l'aspect psychologique lié à ces annonces pèse également très lourd dans la campagne. A fortiori que nous semblons encore loin d'en avoir fait le tour. Ghozali, qui réserve sa consigne de vote pour plus tard, s'apprêterait à se joindre à Benflis. Il en est de même pour la plupart des membres du groupe des dix qui, apprenons-nous, ont tenu une réunion informelle en ce sens, jeudi passé au niveau de la permanence du général Benyellès. A partir de ce constat, les observateurs et analystes, qui pensent que «rien n'est joué», ajoutent que «tout au plus les équilibres ont été rétablis puisque les rapports de force viennent d'être sensiblement rétablis». Bouteflika, parti sur les chapeaux de roue dans une précampagne à grands spectacles, a en effet pris une belle longueur d'avance sur l'ensemble de ses concurrents. Il a également pris le soin de se faire soutenir par une alliance composée du RND, du MSP et de l'aile «redresseurs» du Fln. Même les organisations, anciennement satelitaires de l'ex-parti unique, se sont scindées en deux puisqu'il est possible de retrouver le sigle de l'Unja, ainsi que certains de ses animateurs, au niveau de la plupart des permanences que compte le président-candidat dans l'Algérois, mais aussi dans d'autres wilayas du pays. L'Ugta, qui revendique pas moins de 4 millions de travailleurs, s'est fait longtemps désirer, pour ne pas se retrouver dans la position de celui qui quémande, avant de se placer sous la bannière, loin d'être négligeable, des partisans d'un second mandat en faveur d'Abdelaziz Bouteflika. Eu égard aux moeurs politiques de notre pays, ce dernier jouit du « soutien » d'une bonne partie de l'Administration, comme avait eu à le dénoncer le groupe des dix, avant d'être en quelque sorte rejoint par le chef d'état-major de l'ANP, dont le propos consistait à dire que la neutralité de l'armée n'aurait aucun sens sans celle du restant des institutions de la République, y compris la justice. Last but not list, ce qui rend encore plus incertaine l'issue du scrutin du 8 avril 2004, si l'on excepte l'équilibrage dans les rapports de force entre ces deux hommes, c'est bien la neutralité affichée de l'institution militaire ainsi que les nouvelles garanties apportées aux candidats à la faveur des importants amendements apportés à la loi organique portant régime électoral. Les trois candidats, Benflis, Sadi et Djaballah, ont décidé d'exercer une surveillance commune du scrutin qui devrait leur assurer une présence physique effective et agissante au sein de l'ensemble des centres, et même des bureaux de vote, que compte le pays. La remise des PV de dépouillement est désormais obligatoire, et celui qui s'y refuserait est passible de peines d'emprisonnement. Or, la fraude dans notre pays a toujours existé grâce au maquillage de ces documents, «retravaillés» dans des officines avant que le résultat final, choisi d'avance, n'ait été atteint. Voilà ce qui rend ce scrutin pour le moins incertain. Encore faut-il ajouter que la campagne qui n'en est encore qu'au stade de l'échauffement, nous réserve peut-être encore pas mal d'autres surprises et rebondissements...