Les citoyens assistent, stupéfaits, à l'ampleur grandissante de «la bataille murale». Anarchique, inégale, voire illégale est la façon avec laquelle sont affichés les portraits des candidats en lice depuis l'entame de la campagne électorale. Au lendemain du coup de starter donnant effet à la course pour la magistrature suprême, les Algériens se sont réveillés sur un décor électoral qui reste, en dépit de sa particularité, tout à fait habituel à leurs yeux du moment qu'en Algérie les consultations populaires se font à tour de bras. Ainsi, l'on assiste, stupéfait, au fur et à mesure qu'approche la date butoir du 8 avril, à l'ampleur grandissante prise par «la bataille des murs» que se livrent, sans état d'âme, les militants des différents candidats qui foulent aux pieds les textes réglementaires prévus à cet effet dans le cadre de loi électoral. Dans ce vacarme visuel, murs, façades et autres espaces publics sont envahis, jour et nuit, par ces «colleurs d'affiche» lesquels, munis de leurs outils, s'en prennent à «leur proie» avec un rare acharnement laissant pour compte l'esthétique architecturale et environnementale. De cette «concurrence militante» qui s'inscrit, et ce n'est un secret pour personne, en porte-à-faux avec l'éthique politique, les citoyens sont les témoins privilégiés. Ces derniers ont, au demeurant, droit, depuis jeudi dernier, à des enseignes placardées pêle-mêle. D'autres affiches sont collées les unes sur les autres si elles arrivent bien sûr à échapper aux mains «déchireuses» des déçus de la politique. Dans certaines localités de Béjaïa les citoyens n'ont pas vu mieux que d'arracher carrément les panneaux officiels servant d'espaces pour les affiches des candidats. Fait rare qui traduit on ne peut plus clair l'état d'esprit politique des habitants de la wilaya connue pour son animosité au discours officiel. En plus de l'affichage anarchique qui tend, dans cette région à se généraliser à mesure que passent les jours, il est question notamment de la disparité flagrante dans le traitement de ce volet. A titre d'exemple, les militants du président-candidat Abdelaziz Bouteflika, agissent selon nos sources, en terrain conquis. Au su et au vu de tout le monde, ces derniers, non seulement ne respectent pas les espaces qui leurs sont réservés dans les panneaux officiels mais ils placardent les portraits de leur idole sur le premier «mur venu». La capitale de l'est, Constantine, ne déroge pas, elle aussi, à cette règle. Selon notre correspondante, «la guerre portraitiste» fait rage entre les militants de Ali Benflis et ceux de Bouteflika. Les affiches du président sortant sont à chaque fois arrachées au moment où celles de son sérieux adversaire bénéficient d'un tout autre traitement. Même si leurs avis divergent sur les méthodes employées dans la promotion picturale de leurs candidats respectifs, les partis politiques et les représentants des candidats demeurent unanimes quant à la violation, au grand jour, de la loi et dénoncent, de ce fait, la concurrence déloyale engagée, non sans véhémence, entre les militants des différents candidats. Selon Abdelkader Sallat, directeur de campagne de Ali Benflis, les dépassements constatés sur le terrain ne sont pas étrangers à la pratique politique en Algérie. «Nous avons vu les mêmes agissements lors des précédentes élections» avoue notre interlocuteur qui considère «impossible» la mise en oeuvre d'un semblant de contrôle, et ce, en dépit des lois en vigueur. «L'affichage des portraits est réglementé par la loi électorale. Des textes et des arrêtés portant organisation des opérations de l'affichage sont prévus dans le cadre de cette loi à laquelle est soumis l'ensemble des candidats», affirme le représentant du candidat Benflis en mettant la violation des lois sur le dos «du chauvinisme» de certains politiques. Pour ce qui est par ailleurs, du candidat du FLN, l'ancien ministre indique que le dispositif mis en place pour soutenir Ali Benflis a permis la confection d'une centaine de milliers de portraits. A la permanence électorale du candidat Saïd Sadi, on parle d'une disparité flagrante entre le candidat du RCD et Abdelaziz Bouteflika. Ce dernier est accusé, selon le Dr Khendek, cadre du parti, de faire le remplissage des murs au moment où les militants du RCD, insiste-t-il, se soumettent à la loi pour des raisons qu'il dit «pédagogiques». La Commission nationale politique de surveillance de l'élection présidentielle présidée par Saïd Bouchaïr n'a pas échappé aux critiques de notre source. «Cette commission a déclaré publiquement son incompétence à mettre fin à l'anarchie qui prévaut depuis le début de la campagne», soutient ce dernier. En tout cas, même si les représentants des six prétendants en lice pour la magistrature suprême font cause commune en dénonçant l'anarchie et les violations de la loi électorale, il n'en demeure pas moins qu'ils restent, même si officiellement ils s'en lavent les mains, responsables de cet état de fait du moment qu'ils sont membres à part entière dans la commission de Bouchaïr.