Ceux qui ont planifié l'exécution du chef spirituel de Hamas prennent-ils conscience qu'ils viennent de poser une bombe à retardement dans le coeur d'Israël? En veillant personnellement à la planification et à l'exécution de cheikh Yassine, comme l'indiquaient lundi les médias israéliens, le chef du gouvernement israélien, Ariel Sharon, vient en fait de prendre une tragique responsabilité pour la stabilité de la région et, plus particulièrement, pour la sécurité future d'Israël. Aussi, Sharon a-t-il pesé toutes les retombées que ne manquerait pas d'induire l'assassinat du chef spirituel de Hamas? Au vu des réactions des mouvements palestiniens décidés à venger la mort de cheikh Yassine, l'action criminelle de Sharon a eu l'effet inverse sur les groupes de résistance palestiniens, gommant, même si cela était momentané, les divergences politiques entre ces factions pour les cimenter autour de l'objectif primordial qui demeure la libération de la Palestine. Dans quel engrenage Sharon vient-il d'engager le monde en général et son peuple singulièrement? C'est en fait la question qu'analystes et observateurs se posaient hier. Le quotidien de gauche italien La Républica commentant cet assassinat écrit: «Le pire a pris forme lundi à Ghaza. Avec trois missiles, le gouvernement Sharon a entrepris une escalade sans frein, ni prudence dont beaucoup paieront le prix». Le quotidien allemand conservateur Frankfurter Allgemeine Zeitung s'interroge pour sa part en indiquant qu'«Israël va, à court ou long terme, devoir se demander si on peut à la fois appliquer de telles méthodes (assassinats ciblés) dans la lutte contre le terrorisme et revendiquer la démocratie et l'Etat de droit?» De fait, l'image de la chaise roulante du vieux cheikh palestinien, toute tordue atteinte par un missile, était plus éloquente que n'importe quel éditorial quant à la barbarie dont ont fait montre les Israéliens dans leur détermination à tuer tous les responsables et opposants palestiniens à l'occupation. Enfant gâté des Etats-Unis, qui lui passent toutes ses foucades et lui assurent l'impunité, Israël, -qui fait trop facilement l'amalgame entre la survie de l'Etat juif, et la lutte du peuple palestinien pour son indépendance-, ne comprend pas, -il faut souligner, en vérité, que personne n'a cherché à faire comprendre à Tel-Aviv que l'occupation des territoires palestiniens demeure le point nodal des malheurs de l'Etat hébreu, que la sécurité de la communauté juive dépend uniquement du retrait israélien des territoires palestiniens comme l'exige la résolution 242 de 1967 du Conseil de sécurité de l'ONU. Or, la communauté internationale, par trop tétanisée par la peur d'être accusée par Israël d'antisémitisme, refuse de prendre ses responsabilités en imposant à Israël une force internationale d'interposition seule manière de freiner la violence et de séparer les belligérants. L'assassinat de cheikh Yassine risque d'être l'assassinat ciblé de trop commis par Israël, Sharon ouvrant ainsi les vannes de la violence que personne ne peut dire jusqu'où elle pourrait aller. Il faut le dire, le chef du gouvernement israélien en supervisant et en ordonnant le meurtre du vieux cheikh palestinien, a délibérément mis de l'huile sur le feu ne craignant pas les conséquences qui peuvent en résulter. De fait, outre l'appel, lundi, du cheikh d'Al Azhar, Mohamed Tantaoui, aux musulmans de «châtier» les assassins du chef spirituel de Hamas, la mort de cheikh Yassine a donné une ouverture à Al-Qaîda pour s'introduire dans la région, elle qui n'a pas une grande emprise sur les Palestiniens et leur combat pour la libération, a ainsi saisi l'occasion au vol signant un communiqué - publié sur un site islamiste - dans lequel la nébuleuse d'Oussama Ben Laden demande à ses adhérents de frapper le «tyran du siècle» indiquant : «Le sang de cheikh Yassine ne sera pas versé en vain. Nous appelons toutes les brigades Abou Hafs Al Masri (celles-là mêmes qui revendiquèrent notamment les attentats de Madrid le 11 mars dernier) à venger le cheikh des combattants palestiniens, en frappant le tyran du siècle, l'Amérique, et ses alliés». Si demain d'autres attentats comme celui de Madrid secouent le monde, Israël, et notamment son chef du gouvernement Sharon en seront directement responsables. Toutefois, arrogants et suffisants, les dirigeants israéliens promettaient hier de «liquider» toute la direction de Hamas. Il convient de fait, de relever la discrétion dont font montre les Etats-Unis, seuls à n'avoir pas condamné le crime abject, commis par l'armée israélienne contre le chef spirituel de Hamas. Washington s'est contenté de dire son «trouble» face à cette nouvelle exaction de l'Etat juif ce qui, en fait, peut-être interprété comme un accord tacite des Etats-Unis aux actions criminelles d'Israël, à défaut d'être directement complice dans la situation qui prévaut aujourd'hui au Proche-Orient et dans les territoires palestiniens occupés.