Le directeur du média marocain indépendant Lakome a été incarcéré à la prison de Salé pour avoir publié un message audiovisuel de la branche maghrébine d'Al Qaîda sur le site de son journal. Patatras. Non ce n'est pas le Palais royal qui s'écroule. Le pouvoir marocain est dans la tourmente et dans le collimateur de l'Oncle Sam, à commencer par son souverain qui s'est trompé de cible dans l'affaire de la vidéo d'Aqmi. Le procureur du roi a cru bon de mettre en détention Ali Anouzla, le directeur du média marocain indépendant Lakome qui a été incarcéré mardi dernier, à la prison de Salé pour avoir publié un message audiovisuel de la branche maghrébine d'Al Qaîda sur le site de son journal. Les répliques qui ont largement dépassé les frontières du royaume ne se sont pas fait attendre. Indignations et mises en garde se sont accumulées dès l'interpellation de l'ex-directeur et rédacteur en chef du quotidien Al Jarida Al Oula. Véritable bête noire du Makhzen. «Nous conseillons vivement aux autorités marocaines de traiter le cas de M.Anouzla d'une manière équitable et transparente, conformément à la législation marocaine et aux obligations internationales du Maroc, y compris la garantie suffisante du droit», souligne un communiqué du département d'Etat américain qui a précisé: «Nous suivons de près l'affaire du journaliste arrêté Ali Anouzla et nous nous renseignons sur les charges retenues contre lui.» En l'espace de moins d'une semaine, le département d'Etat américain a mis à mal le pouvoir marocain en ce qui concerne les questions des violations des droits de l'homme et de la liberté d'expression. Si le torchon ne brûle pas encore entre Rabat et Washington le feu semble toutefois avoir pris. Les charges saugrenues retenues contre lui confirment que le Makhzen a fait de lui l'homme à abattre. Ali Anouzla est poursuivi pour aide volontaire à la commission d'actes terroristes, assistance matérielle et apologie de crimes terroristes. Ridicule. «Nous ne sommes pas au courant de tels liens», a officiellement réagi le département d'Etat à la question du journal Lakome qui lui a demandé si le gouvernement américain pensait qu' Ali Anouzla et le média qu'il dirige pourraient avoir des liens avec Al Qaîda au Maghreb islamique (Aqmi). Une réponse qui s'apparente à une ligne rouge que le pouvoir marocain vient de franchir une nouvelle fois. Dans un tout récent rapport remis au Congrès US qui a voté une loi au mois de décembre 2011 qui subordonne l'octroi de toute aide financière militaire au Maroc au respect des droits de l'homme au Sahara occidental le département américain fait mention de violences exercées par les forces de répression marocaines contre les populations sahraouies et dresse un sévère réquisitoire de la politique menée par Rabat dans les territoires occupés. Les manifestations en faveur de l'indépendance du Sahara occidental continuent d'entraîner des restrictions excessives et continues, «particulièrement sur le droit de réunion pacifique et la publication de tout plaidoyer pour l'indépendance ou pour un référendum qui inclurait l'indépendance comme option», indique le document rédigé par les services du patron de la diplomatie américaine qui a, d'autre part, signalé que «le Royaume du Maroc... refuse l'entrée ou expulse les individus quand il estime qu'ils utilisent le journalisme comme couverture pour faire de l'activisme». En attendant le verdict du Congrès américain, pas moins de 60 ONG dont Freedom House et Human Rights Watch (HWR), deux organisations américaines de défense des droits de l'homme parmi les plus importantes ainsi qu'Amnesty International ont appelé à la libération immédiate du journaliste marocain Ali Anouzla. «Quand les autorités confondent journalisme et soutien (au terrorisme), elles font peur à tous les autres journalistes qui écrivent en toute légitimité sur de telles organisations»,a fait constater l'ONG internationale HRW. Une remarque qui met en exergue la fébrilité du Palais royal.