Le général Vo Nguyen Giap «Le colonialisme est un mauvais élève!» Cette phrase a été prononcée par le héros de Diên Biên Phu, lors de sa visite à Alger durant les années 1970. Avec la disparition du général Vo Nguyen Giap, c'est une partie de l'histoire de l'Asie, et singulièrement celle du Vietnam, qui est partie avec lui. Mort hier à l'âge de 102 ans - il est né le 25 août 1911 à An Xá (actuel Vietnam) le général Vo Nguyen Giap, décédé hier, a été l'architecte des victoires du Vietnam contre la France et les Etats-Unis, succès qui ont fait de lui une icône populaire malgré une carrière politique brisée par le régime communiste. En la personne du général Vo Nguyen Giap, l'Algérie perd un grand ami et un homme qui a fait honneur aux luttes des peuples contre le colonialisme et la domination étrangère. C'est d'ailleurs en Algérie, lors d'un de ses nombreux séjours à Alger, dans les années 1970, qu'il eut ces mots définitifs à propos de la colonisation en affirmant que le colonialisme était «un mauvais élève». Et il savait de quoi il parlait lui qui remporta une retentissante victoire contre l'armée française dans la bataille de Diên Biên Phu (1954), laquelle, outre la défaite et la débâcle française et son départ d'Indochine, sonna le glas de la colonisation occidentale d'une manière générale dans cette région du monde et plus tard en Afrique. Le général reste, à ce jour, un exemple unique d'un autodidacte - ce n'était pas un militaire de carrière - qui s'est élevé au rang de plus important stratège de l'histoire militaire du XXe siècle. En effet, Vo Nguyen Giap, avant de devenir un stratège militaire hors normes était....professeur d'histoire dans un lycée de Hanoï. Toutefois, très jeune il endossa la militance contre la présence française. Il est éduqué dans un lycée français et participe précocement au mouvement communiste dans les années 1930. Il connaîtra dès lors les geôles françaises Parallèlement à son militantisme politique, il poursuit ses études sous la direction du professeur réunionnais, Raphaël Barquisseau. En 1937, Giap entre comme professeur d'histoire à l'école Thang-Long à Hanoï et rejoint le PC vietnamien en 1939. C'est cet historien qui maîtrise parfaitement le français qui va faire valoir dans la guerre son extraordinaire génie militaire dont il en démontrera la valeur dans la fameuse bataille en 1954 de Diên Biên Phu où il humilia l'armée française menée par une brochette de généraux - Philippe Leclerc de Hauteclocque, Jean Etienne Valluy, Roger Baizot, Marcel Carpentier, Jean de Lattre de Tassigny, Raoul Salan et notamment le général Henri Navarre, son vis-à-vis direct lors de cette bataille historique - qui se sont succédé à sa tête sans - sans réussir à stopper les soldats vietnamiens conduits par Giap. Le général Giap réédita son exploit contre les armées américaines une vingtaine d'années plus tard qu'il bouta hors du Sud-Vietnam après la chute de Saïgon le 30 avril 1975. En fait, le général Vo Nguyên Giap qui est entré dans l'histoire militaire et les études militaires et stratégiques de son vivant, gagna l'estime de tous et était admiré y compris par ses adversaires d'hier tels que les généraux français, Raoul Salan et américain William Westmoreland. Or, ce qui met un peu ce militaire atypique «général autodidacte», comme il se qualifiait lui-même, n'a fait aucune école ou académie militaire. «Quand j'étais jeune, je rêvais un jour de voir mon pays libre et unifié», racontera plus tard, dans un entretien à la chaîne de télévision publique américaine PBS, celui qui sera le dernier dirigeant historique du Vietnam encore en vie. «Ce jour-là, mon rêve est devenu réalité (...). C'était comme tourner une page sur un chapitre de l'histoire.» Toutefois, malgré tout ce qu'il apporta à son pays - particulièrement la liberté et l'indépendance - Giap sera écarté sans ménagement du pouvoir par la hiérarchie du Parti communiste du Vietnam. Il n'en reste pas moins le symbole emblématique du Vietnam avec l'icône et fondateur du Viet Minh (le Parti communiste du Vietnam, PCV) Ho Chi Minh C'est ainsi que le général Giap perd son fauteuil à la Défense en 1980 puis est exclu du Bureau politique en 1982 avant d'être définitivement rayé du listing du Comité central du PC en 1991. Triste fin pour celui qui a mis à la raison des militaires sortis des plus prestigieuses académies militaires de France et des Etats-Unis. Dans une rare sortie publique, il dénonça en 2006 le fait que le PCV soit «devenu un bouclier pour les responsables corrompus».