Le général Vo Nguyen Giap, architecte des victoires de l'armée vietnamienne sur la France, puis les Etats-Unis, est décédé vendredi à l'âge de 102 ans, a-t-on appris auprès de sa famille. Considéré comme le vainqueur de Diên Biên Phû, qui scella en mai 1954 la défaite de la France au Viêtnam et la fin de la domination française en Indochine, il était l'une des personnalités vietnamiennes les plus connues du XXe siècle. Ce fils de mandarin qui n'avait suivi les cours d'aucune académie militaire est mort après plusieurs années passées dans un hôpital militaire de Hanoï, capitale du Viêtnam réunifié. Lors d'un entretien accordé en 2004 à Reuters dans sa villa cossue du centre de la capitale, le vieux général, considéré par certains comme un stratège militaire à l'égal du Britannique Montgomery, de l'Allemand Rommel ou de l'Américain MacArthur, portait une parole de paix. Il expliquait que les guerres d'indépendance du Viêtnam étaient "une victoire pour les pays colonisés à travers le monde". Il racontait aussi que lors d'une visite au siège des Nations unies à Genève l'année précédente, il avait répondu à une demande d'autographe en signant "Vo Nguyen Giap, général de la paix". Né le 25 août 1911 à An Xa, dans le centre du pays, Giap était un ami proche du défunt président Ho Chi Minh, père de l'indépendance du Viêtnam. SUPPORTER LES PERTES Son alter ego et ennemi américain, le général William Westmoreland, affirmait que ses succès militaires étaient en grande partie dus à sa capacité à supporter d'énormes pertes. "Tout chef militaire américain qui endurerait des pertes aussi colossales que celles supportées par Giap aurait été limogé du jour au lendemain", assure le général Westmoreland dans le livre publié en 1983 par Stanley Karnow "Vietnam. A History". Giap, chef de l'armée nord-vietnamienne lors de la guerre française et ministre de la Défense durant la guerre américaine, est réputé pour s'être opposé à plusieurs décisions militaires importantes, dont l'ajournement très coûteux du retrait en 1968 des forces Nord-Vietnamiennes de positions intenables au Sud-Viêtnam pendant l'offensive du Têt. En 1975, il résista à nouveau à la décision de Hanoï de jeter toutes ses forces, laissant la capitale dégarnie, dans l'offensive de printemps qui devait culminer, fin avril, avec la chute de Saïgon, rebaptisée aujourd'hui Ho Chi Minh-Ville. Giap s'est, par la suite, opposé à la décision de Hanoï de maintenir une force d'occupation au Cambodge après l'invasion de ce pays par le Viêtnam en 1978. Cette attitude, ajoutée au ressentiment nourri de longue date par certains hiérarques du régime communiste à son endroit, aurait, dit-on, contribué à son influence politique déclinante dans les années de l'après-guerre. Ce général, qui pouvait s'enorgueillir d'être le seul militaire à avoir battu à la fois l'armée française et l'armée américaine, s'était remarié après la mort de sa première épouse dans une prison française en 1943. Il a eu trois filles et deux fils.