«Seule l'officialisation ouvrira la voie à une vraie politique» Il est temps d'en finir avec ce déni identitaire et d'officialiser tamazight en la dotant de tous les moyens pour son évolution et son épanouissement. Avons-nous le droit de faire moins que notre voisin marocain lors de la prochaine révision constitutionnelle? Le Royaume chérifien a officialisé la langue amazighe en 2011 sans qu'il n'ait été soumis à une moindre pression populaire. Même si de l'avant-projet de révision de la loi fondamentale ne découlent que des spéculations, la question de l'officialisation de tamazight est fortement évoquée. «Après sa reconnaissance comme langue nationale, le moment est arrivé à l'officialisation de la langue amazighe. Je pense que parmi les amendements qui devraient être introduits dans la nouvelle Constitution, cette officialisation est incontournable». Ce n'est pas un détenu du Printemps berbère de 1980 qui parle. Ce n'est pas non plus un opposant ou un militant acharné connu de l'opinion qui défend cette option. C'est un mouhafedh du FLN dont le parti, à l'époque du parti unique, a déclaré une guerre sans merci à tout ce qui symbolise la culture amazighe. Bien plus, Saïd Lakhdari, mouhafedh du FLN de la wilaya de Tizi Ouzou, puisque c'est de lui qu'il s'agit, se dit «convaincu que les autorités du pays vont aller dans le sens de l'officialisation de tamazight». Le signe ne trompe pas. Notre interlocuteur ajoute que l'officialisation de cette langue ne doit pas passer par référendum. «Je vais soumettre la proposition lors de la prochaine session du comité central du FLN et je travaillerai dans le sens de la sensibilisation des autres membres de cette instance pour adopter cette position», fait savoir M.Lakhdari. «Je considère que tamazight est un élément qui va contribuer à renforcer l'unité nationale», argue encore notre interlocuteur. En effet, au-delà des questions politiques fondamentales que se posent les observateurs à propos de la prochaine révision de la Constitution, relatives à la limitation du mandat présidentiel, le poste de vice-président, etc. d'autres se posent la question non moins fondamentale pour l'avenir du pays: la langue amazighe sera-t-elle consacrée langue officielle? La revendication est portée par des millions d'Algériens et des dizaines d'hommes se sont sacrifiés pour cette cause. Le Printemps berbère de 1980 est une première manifestation publique depuis l'Indépendance à réclamer haut et fort la reconnaissance de la langue amazighe. La grève du cartable de 1994 a été une autre étape déterminante du processus revendicatif avant que les événements du printemps noir de 2001 ne forcent le pouvoir politique à introduire cette langue dans la Constitution comme langue nationale. L'un des points forts de la plate-forme d'El Kseur a été justement l'officialisation de tamazight. Son adoption, en avril 2002, comme langue nationale est considérée comme un leurre. «Même si c'est un grand acquis, le statut de langue nationale est de l'ordre du symbolique. Il ne donne même pas une assise juridique solide à l'enseignement de tamazight minée par son caractère facultatif. Pour preuve, le recul de celui-ci» déplore, Ali Brahimi, l'un des 24 détenus d'avril 1980. Est-il donc temps d'en finir avec ce déni identitaire et d'officialiser cette langue et de la doter de tous les moyens pour son évolution et son épanouissement? Sans le moindre doute, la réponse est oui: il est grand temps pour l'Algérie de réaliser la vraie réconciliation avec son identité et son histoire si elle ne veut pas vivre d'autres soulèvements populaires allant dans le sens de cette revendication légitime. «Seule l'officialisation ouvrira la voie à une vraie politique dotée de moyens financiers et humains pour réhabiliter, promouvoir, planifier, généraliser l'enseignement et l'usage de tamazight dans tous les domaines de la vie», estime Ali Brahimi.