Malgré l'hostilité que lui affiche la Kabylie, le candidat Bouteflika s'y est tout de même rendu. Faisant fi des informations provenant de cette région faisant état d'un probable soulèvement de la population, le président sortant a bravé les risques et a tenu à prendre contact avec les Kabyles et tâter leur pouls à quelques jours de la tenue du scrutin. II a eu à vérifier à ses dépens ce défi lancé par ses soins à une région meurtrie par une oppression féroce après que celle-ci a investi la rue pour dénoncer l'assassinat de Massinissa Guermah, le 18 avril 2001. Alors que tous les autres candidats, y compris Saïd Sadi, ont pris toutes leurs précautions pour organiser leurs meetings dans cette partie du pays, réputée pour son célèbre «Ulac el vote ulac», Bouteflika est allé à Tizi-Ouzou dans l'espoir de se réconcilier avec les citoyens, résolument inscrits contre le pouvoir en place. Mais pourquoi s'y est-il rendu alors que la tension régnait dans cette ville et tous les indicateurs indiquaient un probable soulèvement populaire? Certains observateurs affirment que cette sortie est réussie pour Bouteflika dans la mesure où celle-ci n'a fait qu'exacerber la crise, laissant présager un boycott de l'élection par cette région comme le souhaitent les partisans du président-candidat. Car si boycott il y a, un second tour est fortement compromis. Il faudrait remonter aux premiers contacts entrepris par Ouyahia avec les représentants des archs pour essayer de comprendre toutes les manigances mises en oeuvre en direction de cette région afin de «museler» les 3 millions d'électeurs, un nombre qui peut à tout moment faire basculer les résultats au profit d'un candidat ou d'un autre. La Kabylie peut, en effet, jouer un rôle déterminant dans cette élection, voire même départager les concurrents au cas où les scores seraient serrés. En accordant de larges concessions aux délégués des archs et en envoyant des hommes liges du président auprès des notables kabyles dont l'influence est avérée en Kabylie, Ouyahia, farouche partisan d'une réélection de Bouteflika, croyait amener les citoyens à revoir leur position et voter pour le président-candidat. La rupture de dialogue étant consommée, d'autres scénarii sont concoctés en vue de faire imploser le mouvement citoyen. Les émeutes enregistrées à Tizi-Ouzou, même si le meeting a pu avoir lieu, ne sont pas, contrairement à ce que pensent certains observateurs, annonciatrices d'un boycott de l'élection. Des voix se sont élevées en Kabylie ces derniers jours pour appeler à prendre part, le 8 avril prochain, à la consultation populaire. Partisans et anti-Bouteflika, se disputent âprement cette région dont les différents boycotts ont sérieusement entamé la crédibilité des institutions de l'Etat. La participation de la Kabylie au scrutin pourrait le faire déboucher sur un second tour, auquel s'accrochent, d'ailleurs, les candidats Benflis, Sadi et Djaballah. Le report de voix, étant capital dans ce cas (Saïd Sadi a été, en 1995, crédité d'un taux de 9,29% du nombre de voix exprimées), le président Bouteflika et ses adversaires convoitent, chacun à sa manière, la Kabylie, une région où le nombre de voix représente quelque chose comme 20% du nombre total des électeurs algériens.