Acte isolé? C'est ce que nos voisins disent, mais a-t-on jamais demandé comment on en est arrivé là? Ce ne sont pas ceux que la géographie nous a donnés qui sont les plus proches de nous et ce ne sont pas ceux dont nous séparent les océans et les mers qui nous détestent forcément le plus. Encore une fois, Ceausescu avait raison de dire que les frères ce sont ceux que l'on a, alors que les amis ce sont ceux qu'on choisit. La différence est de taille: un ami, on peut s'en séparer à tout moment alors qu'on ne peut pas le faire avec un frère quoi qu'on fasse, même si on le tue, il ne cessera pas pour autant d'être notre frère. Au moment où nos voisins de l'Ouest descendaient notre drapeau de son mât sur le toit de notre consulat, sous le regard des policiers, c'est-à-dire de l'Etat, le maire de Montréal hissait le même drapeau, dans sa commune, à quelques milliers de kilomètres de là. Au moment où nos frères d'à côté prenaient un malin plaisir à nous dénigrer et à nous tirer dessus par tous les médias et tous les moyens de communication possibles, la chaîne El Mayadeen TV nous offrait, comme elle ne l'a encore jamais fait pour aucun autre pays, une belle couverture de l'anniversaire du 1er Novembre. Ce qui s'est passé vendredi dernier à Casablanca est un acte qui ne fait pas honneur à nos voisins et dont ils ne peuvent être fiers. Le jour de l'anniversaire de notre lutte armée, au lieu de nous envoyer des voeux, au lieu de venir nous féliciter en Algérie ou au lieu d'organiser, chez eux, une journée en hommage à cette occasion, nos voisins de l'Ouest ont préféré plutôt grimper sur le toit de notre consulat pour descendre notre drapeau. Est-ce ainsi que les gens vivent en bon voisinage? Certes, il n'y avait qu'une seule personne à avoir accompli cet acte ignoble, mais il n'y avait aussi qu'un seul drapeau et ils ne pouvaient pas être une centaine à le faire. De toute façon, ils étaient là, les autres à applaudir la bêtise et à scander la stupidité. Acte isolé? C'est ce que nos voisins disent, mais a-t-on jamais demandé comment on en est arrivé là? Sur quel charbon n'a-t-on pas soufflé ces jours-ci du côté de l'Ouest? Sur quelle fibre sensible n'a-t-on pas joué ces derniers temps? Sur quel aspect de la haine n'a-t-on pas insisté ces dernières semaines? Il faut revoir tout ce qui a été dit officiellement à notre propos depuis quelques mois, surtout depuis une semaine, ainsi que tout ce qui a été relayé par la presse de l'autre côté de la frontière. Il sera aisé alors de comprendre que cet «acte isolé» comme on l'appelle ailleurs est le produit normal et prévisible d'un comportement déplacé des responsables marocains. Que le Maroc rappelle son ambassadeur, c'est son droit. Nous ne pouvons l'en empêcher. Nous ne pouvons qu'être désolés pour le Maghreb et pour le voisinage, mais que des comportements irresponsables de la sorte aient lieu devant des policiers qui ne lèvent même pas le petit doigt pour essayer d'en dissuader l'auteur, c'est tout simplement une autre preuve de la bassesse et l'indécence de ces «frères» que nous a donnés la géographie.