Danser est pour elle une nécessité, une évidence pour exhumer sa conscience et dire qui elle est «Avec le mouvement de mon corps, j'ai l'espoir de dire l'énigme de l'être, le mystère de la vie, les choses troubles qui sont pour moi, plus fortes que la réalité que l'on croit. C'est aussi, témoigner comme un écrivain de ce qui se passe entre les êtres; une manière en somme de voir la vie et d'en parler...», dit Nacéra Belaza. Danseuse et chorégraphe, née près de Médéa, c'est à l'université de Reims que Nacéra alors étudiante en lettres modernes, fait ses premiers pas de danseuse avec sa pièce A chacun sa chimère. «En fait, la danse, je suis née avec. J'ai toujours dansé et fait de la chorégraphie. A 15 ans, je donnais des cours...», affirme Nacéra. Et la «foi» guidant ses pas, la jeune Nacéra monte à Paris à la poursuite de son rêve. A 23 ans elle décide de suivre des cours de danse. Ce sera une formation axée sur le jazz, pour «son énergie et sa vitalité». «Mais je n'y suis pas restée, car en même temps que je dansais, je pensais. J'avais l'impression de buter sur quelque chose de limité. Or, j'avais besoin de plus de vocabulaire, plus de liberté pour avancer et dire au corps tout ce dont j'avais envie de lui faire dire.» Aussi, de retour à Reims, Nacéra Belaza crée L'éclipse en 1994, puis Périr pour de bon. Pour acquérir de nouvelles techniques de chorégraphie, Nacéra préfère puiser dans la richesse «du coeur plutôt que du cerveau», exhumer ce qui est au fond d'elle tout en écoutant cette voix qui grandit en elle. Ce qui l'intéresse dans l'acte de danser, c'est de dévoiler notre «identité profonde, qui est commune à tous», indique l'artiste et de renchérir: «Quand on se débarrasse de tout ce qui relève du quotidien, de l'occidental et on découvre qui on est réellement, on se rend compte qu'on se ressemble tous!» Dévoiler notre moi intérieur passe, d'après Nacéra, par l'intelligence du corps qu'elle tend à perfectionner et à développer au jour le jour. «Jusqu'à n'en faire qu'un sur scène, quand il y a plusieurs danseurs», indique-t-elle. Et suivant sa folle quête de soi, elle déclare au sujet de son troisième spectacle Point de fuite, «parce qu'il est impossible de vivre et de mourir seulement. Il vous faut durer, nous agripper à l'instant». Et c'est sans doute à cet instant là précisément quand enfin le masque tombe et que se dévoile l'homme que naît l'étincelle, celle-là même qui laisse «le souffle pénétrer la fibre et prendre feu...» Le feu est justement le nom de sa cinquième et nouvelle création (sortie il y a à peine un mois en France) après Le Sommeil rouge (création 1999-2000), deux spectacles que nous aurons le loisir d'apprécier mercredi prochain au Théâtre national d'Alger Mahieddine Bachtarzi à partir de 19 heures. En effet, après s'être produit récemment en Tunisie, le duo Nacéra Belaza et sa soeur Dalila sera parmi nous pour une soirée exceptionnelle empreinte de magie et de sensualité, de ce «feu» qui brûle en elle, faisant jaillir cette lumière qui illuminera nos deux étoiles de la danse contemporaine. «Ce feu, nous explique Nacéra, est une sorte de motivation organique qui justifie nos actes, nous pousse de l'intérieur à faire des choses, qui nous donne de la force pour les réaliser», et de préciser: «Cela a été pendant des années le moteur qui m'a permis de braver toutes les difficultés que j'ai rencontrées. Car c'est un chemin difficile que de pouvoir danser pour une femme arabe». De ce vide qui emplit l'espace de la scène, Nacéra Belaza aime communiquer, dialoguer avec lui, l'étreindre avec ses bras. Dans un élan de geste presque violent, elle épanche les blessures de son âme, comme tout artiste qui tend à s'exprimer, exorciser ses angoisses, ses joies et ses peines que renferme chacun de nous au plus profond de soi. «Un morceau de vie», Nacéra est une synthèse de tout cela: «Entre les choses auxquelles je crois et que j'essaye de révéler par le travail...» Tout un programme! «C'est un projet solide. C'est un projet solide et liquide à la fois. Celui d'être, sans le vouloir, la vie éperdument au bord de la vie», avoue la danseuse. Cette tranche de vie là n'est à manquer sous aucun prétexte! Car parler de Nacéra est une chose, la découvrir sur scène en est une autre.