Il estime avoir 99% de chances de ne pas l'emporter Les grands desseins passent toujours par les grandes décisions. La différence entre un homme politique et un intellectuel, c'est que le premier fonce même lorsqu'il n'a rien alors que le second hésite même lorsqu'il a avec quoi foncer. A peine a-t-il annoncé sa candidature, ou plutôt son intention de candidature que Mohamed Moulessehoul, plus connu sous le pseudonyme de Yasmina Khadra, s'est déjà mis à se tirer des balles dans le pied, accumulant erreurs et maladresses. Mal conseillé? Il est très possible qu'il ne se soit même pas donné la peine de se trouver un conseiller médiatique ou carrément un responsable de communication. Est-ce par méprise ou à cause du fait qu'il ne compte pas se faire élire comme il le dit lui-même? Quelle que soit la raison qui l'ait mis dans cette situation, on peut d'ores et déjà, dire que l'écrivain a mal, voire très mal, négocié sa première sortie médiatique. Première erreur: l'interview à un média étranger L'entretien que le candidat Moulessehoul a accordé au magazine Le Figaro est en soi une erreur. Non pas qu'il ne devait pas l'accorder, loin de nous cette idée, mais un candidat à la présidence en Algérie aurait dû donner son ou ses premiers entretiens à des journaux algériens. Car agir de la sorte peut donner lieu à des questions au moment où, en tant que candidat, Yasmina Khadra a plutôt besoin des voix des Algériens que de leur critique et interprétation. Et que l'on ne nous raconte pas que les médias algériens ne l'ont pas sollicité et qu'il s'est contenté de répondre à qui s'est intéressé à lui, car même si c'était le cas, c'est à lui d'aller vers les médias algériens pour essayer de les séduire avant de penser à séduire le peuple. L'entretien au Le Figaro n'est pas une mauvaise chose, mais le manque de message à travers les médias algériens est, quant à lui, une insuffisance. Lorsqu'on veut être candidat à la présidence d'un pays, il faut impérativement trouver les ressorts nécessaires à une telle entreprise. Il est absolument nécessaire de se doter des réflexes adéquats et, bien sûr, d'un minimum de clairvoyance et de stratégie. Le plus indiqué pour Moulessehoul aurait été qu'il s'adressât à quelques journaux de bonne audience pour passer ses messages aux lecteurs et, à travers eux, au reste des Algériens, d'autant plus qu'il n'est pas connu de tout le monde et que, de ce fait, il a besoin d'effort supplémentaire par rapport à des gens que les Algériens voient chaque jour et depuis toujours. Nous comptabilisons donc là une première erreur de Mohamed Moulessehoul. Seconde et troisième erreur: pas de programme et il l'avoue! Lorsqu'il a été interrogé dans l'entretien en question à propos de son programme, le candidat à la présidentielle de 2014 a eu le mauvais réflexe d'avoir la mauvaise réponse en disant qu'il aura le programme lorsque sa candidature sera bien accueillie. Sur le plan stratégique, cette réplique est dévastatrice, car elle dévoile que le candidat a décidé de venir à l'élection, les mains dans les poches, c'est-à-dire sans programme. A chacun d'interpréter comme il veut ce choix. Certains diront que c'est parce qu'il n'y croit pas, d'autres que c'est à cause du fait qu'il ne prend pas les choses au sérieux, d'autres qu'il n'accorde pas trop de crédit à cette élection...etc. et quelle que soit l'explication que les uns ou les autres donneront, ce ne sera pas dans l'intérêt du futur candidat. Dire que l'on n'a pas de programme, c'est avouer que l'on ne s'est pas donné la peine d'y réfléchir alors que c'est exactement ce qu'il fallait éviter pour ne pas prêter son flanc aux critiques et aux éventuels adversaires, si jamais il y va sérieusement. Et sauf si on ne se prend pas soi-même au sérieux, on ne peut pas, logiquement, ne pas avoir un programme lorsqu'on a décidé de participer à la présidentielle. On ne concocte pas un tel programme en quelques jours surtout si, en plus, on a l'intention de vaincre un président sortant ou des politiques bien assis depuis des siècles la haut! Dans tous les cas, on ne fait pas une telle déclaration. Il était plus indiqué pour l'intéressé d'éviter de répondre, tout simplement ou de répondre vaguement. On n'aurait jamais vu cela de la part d'un homme politique et c'est, justement là, toute la différence entre un politique et un intellectuel. La seconde erreur du directeur du Centre culturel algérien à Paris a donc été de ne pas avoir un programme et la troisième, plus grave encore, celle de l'avoir déclaré naïvement! Quatrième et cinquième erreur: il manque d'ambition et il le reconnaît De l'entretien accordé à Le Figaro, Moulessehoul, non seulement fait preuve de peu d'ambition, mais en plus, il l'avoue. Au lieu de parler de ses ambitions, de sa volonté de sa disposition à lutter pour vaincre, il estime avoir 99% de chances de ne pas l'emporter. Il avoue, comme ça, naïvement, qu'il sera incapable de convaincre. Pourquoi venir donc? Pourquoi prendre part? En d'autres termes, Il ne croit pas en ses chances et il le dit. Il sait qu'il ne vaincra pas et il pense malgré tout se porter candidat. Pourquoi donc? Pour le plaisir de dire un jours à ses enfants ou à ses petits-enfants qu'il a eu le privilège et la rare occasion de se porter candidat à la présidence de l'Algérie? Ou bien pour le raconter un jour, comme ça, autour d'un café à des amis ou à ses lecteurs dans un de ses futurs livres? Non, l'avenir d'un peuple et le devenir d'un pays sont des choses trop importantes pour les réduire à un simple de jeu de «prestige» aléatoire à décliner un jour à ses petits-enfants ou à rapporter à ses lecteurs. C'est cette mentalité que nous voulons justement déraciner à tout jamais, celle qui ne méprise pas le peuple, qui ne méprise pas le pays et qui les prend au sérieux. A partir du moment où Moulessehoul reconnait lui-même ne pas avoir d'ambition, plus rien n'assure qu'il sera un réel candidat et les chances qu'il ne participe pas à la course sont aussi grandes que sa non-participation sauf si le pouvoir en place veut sauter sur l'occasion et en faire un lièvre, là il lui facilitera les signatures, histoire d'avoir un plus grand nombre de participants le jour du départ, car n'oublions pas que pour le pouvoir en place, la candidature de Yasmina Khadra est en soi une aubaine, car cette personnalité qu'on le veuille ou non, apporterait par sa seule participation un crédit supplémentaire à cette élection par rapport à l'étranger. Et n'est-ce pas ce que veut le pouvoir? C'est ce qui pourrait pousser certains à penser que Khadra n'est venu à cette élection que pour la créditer d'un peu plus de fiabilité vis-à-vis de l'Occident. La quatrième erreur de Moulessehoul a été de manquer d'ambition, de punch, de confiance en soi et la cinquième, celle de l'avouer avant même d'être candidat. Il faudrait qu'il arrive désormais à convaincre les Algériens de voter pour lui après cette erreur. Pour ceux qui s'en souviennent encore, Ben M'hidi avait dit un jour: «Jetez la révolution dans la rue et le peuple la portera.» L'histoire a démontré à quel point ce grand homme avait raison. S'il avait douté comme doute aujourd'hui Moulessehoul de ses chances, on n'aurait jamais eu de Révolution, ni peut-être même d'indépendance. Les grands desseins passent toujours par les grandes décisions alors que les grands exploits croisent toujours les chemins de la volonté, de la persévérance et de l'entêtement, mais ils ne rencontrent jamais, absolument jamais, les chemins tortueux des hésitants et encore moins ceux des chancelants. Sixième erreur: les segments du marché électoral En affirmant que les femmes et la jeunesse sont avec lui, Moulessehoul a voulu sans doute montrer qu'il a «une certaine part» du marché électoral. En soi, ceci n'a rien d'anormal du moment que, en démocratie comme dans le marché, la part de marché est déterminante pour la victoire. Mais ainsi dites, et à ce moment, les choses prennent un sens autre que celui qu'il leur a donné car le revers de la médaille, c'est qu'en faisant cette déclaration, Mohamed Moulessehoul a, en même temps, reconnu qu'il compte d'abord sur ces deux segments de la population (les femmes et la jeunesse). Or ceci est une erreur à un double point de vue. D'abord, c'est une erreur vis-à-vis de l'autre segment de la population, celui des hommes âgés de plus de 35 ans (ceux qui ne sont donc ni femmes ni jeunes) car ils se voient reprochés par le futur candidat de ne pas le soutenir alors que ceci n'est basé sur aucune étude ni sur aucune donnée réelle. Ensuite, cette déclaration est une erreur, car elle occulte la réalité qui veut que Yasmina Khadra soit plus connu en Algérie par les adultes que par les jeunes pour deux raisons. La première, c'est qu'il est connu par les gens de sa génération, ceux qui lui lisaient les premiers écrits publiés par la défunte Sned avant même qu'il ne prenne le pseudonyme. La seconde, c'est que nos jeunes ne lisent pas et donc ne connaissent pas bien Yasmina Khadra et lorsqu'ils lisent, ils ne le font pas en français et ce ne sont pas les romans qui les intéressent. Nos jeunes ont donc tout pour ne pas le connaître et non l'inverse. Voilà pourquoi avancer que les jeunes sont avec lui est une vérité qui reste à prouver. Est-ce un appel à cette tranche de la population, connaissant son importance pour essayer de la gagner? Possible. Et ce serait même une bonne chose, mais à faire autrement. Toutefois, la déclaration de Mohamed Moulessehoul concernant ses segments dans le marché électoral est une erreur, la sixième! Septième erreur: il garde le pseudonyme En continuant à garder son pseudonyme lorsqu'il parle d'élection présidentielle, Mohamed Moulessehoul commet sa septième erreur car, comme on l'a déjà dit, on ne va pas à une élection présidentielle avec un pseudonyme d'auteur. Certes Yasmina Khadra est plus connu que Mohamed Moulessehoul, mais il faut partir avec ce qu'on a et, à partir de là, essayer de convaincre et de gagner, d'autant plus que ce candidat offre une réelle alternative par rapport à ce qu'on a eu depuis l'indépendance. Il faut y croire, Si Mohamed, il faut y croire et même s'il arrive que l'on ne puisse y croire, il ne faut jamais s'avouer vaincu avant d'avoir essayé, car ni les Algériens ni d'autres qu'eux n'aimeraient avoir un président qui lève le drapeau blanc avant même la première difficulté!