Cette démobilisation se vérifiera davantage au point de départ de la marche. Voulue grandiose pour marquer la clôture de la campagne de rejet de l'élection et exiger la satisfaction de la plate-forme d'El-Kseur, la marche populaire à laquelle ont appelé des délégués de la coordination intercommunale de Béjaïa n'a pas pu avoir lieu, en raison essentielle de l'empêchement de manifestants provenant de la vallée de la Soummam d'accéder à la capitale des Hammadites. Autant la mobilisation était au top dans ces régions de la vallée, autant l'indifférence était criante à Béjaïa-ville et dans toutes les localités est de la wilaya où la population s'est montrée parfaitement en marge de l'action combinée du jour. Si l'échec de la marche peut s'expliquer par «l'empêchement policier», motivé par les risques de dérapages, ce n'est pas le cas du mot d'ordre de grève, qui n'a été suivi que dans les villes de Sidi Aïch, Amizour, Seddouk, El-Kseur, Tasmalt et Akbou. A Béjaïa et la côte-est de la wilaya, l'activité économique et administrative a fonctionné normalement. Ils étaient, en effet, rares les commerçants de Béjaïa qui ont souscrit au mot d'ordre de grève. Même le marché hebdomadaire de la ville s'est tenu comme à son habitude. Cette démobilisation se vérifiera davantage au point de départ de la marche. A 11 heures, les Quatre-Chemins étaient si vides que rien n'indiquait qu'un événement politique de contestation allait se produire dans les minutes qui suivaient. Aucune affiche, aucune banderole n'étaient visibles sur les lieux qui ressemblaient à un désert. Les rares citoyens et délégués qui se sont aventurés dans les parages, sont vite invités par des policiers en civil à quitter l'endroit sous peine d'être arrêtés. Aux portes de la ville, on a eu droit à un autre scénario, qui n'est pas nouveau, faut-il le souligner. Tous les marcheurs qui se sont mobilisés pour l'action du jour à partir des villes de la vallée de la Soummam, ont été systématiquement refoulés. On parle de milliers de manifestants bloqués à Iryahen et Oued Ghir, deux entrées principales du chef-lieu de wilaya par un impressionnant dispositif de sécurité déployé pour la circonstance. Dès 8 heures 30, l'axe vers la ville de Béjaïa est sérieusement filtré. Pas question de laisser passer tout citoyen soupçonné de se rendre à Béjaïa pour manifester. Le contrôle était tel que même les citoyens voulant rallier la ville pour d'autres raisons que celles liées à la marche, ont été invités à rebrousser chemin. Ne l'entendant pas de cette oreille, les manifestants qui arriveront par la suite, ont tenté de forcer le barrage policier, mais en vain. Des scènes de violence ont alors éclaté entre les manifestants qui n'ont pas manqué d'exprimer leur colère face à cette interdiction perçue comme « une hogra » en lançant des pierres et autres projectiles dont des cocktails Molotov. En réaction, les éléments CNS répliquaient par des bombes de gaz lacrymogènes et parfois des balles en caoutchouc. Ces affrontements dureront près de deux heures faisant de la RN N°26 une route fermée durant toute la journée. Dans l'après-midi, le calme n'est pas encore revenu. La tension semble atteindre la ville où un groupe de jeunes tente d'envenimer la situation en procédant au dressage de barricades sur l'avenue principale, au carrefour CNS. Plusieurs arrestations ont été opérées un peu partout dans les rangs des manifestants provenant de la vallée et parmi les délégués. Dans l'après-midi, la Cicb a rendu publique une déclaration pour «la féliciter de la mobilisation citoyenne et dénonce par la même occasion, la répression des pouvoirs publics qui ont empêché les manifestants d'accéder à la ville de Béjaïa.»A. S.