C'est une véritable veillée d'armes que vit Tizi Ouzou à quelques heures de l'ouverture des bureaux de vote. En effet, la Kabylie, région frondeuse par excellence a de tout temps boudé les urnes, et «la phobie» des isoloirs a toujours constitué la particularité de ce vaste réservoir électoral. C'est dire qu'en dépit du réel engouement constaté tout au long des dix-neuf jours de campagne, la Kabylie risque une nouvelle fois de tourner le dos au scrutin pour une raison ou pour une autre. Les avis sont partagés, les démarches contradictoires et les appels multiples. Ainsi, si le RCD et les représentants des cinq autres candidats appellent à un vote massif, le FFS prône, le boycott. Plus radical, le mouvement des archs opte pour le rejet et menace de recourir à l'empêchement physique pour faire avorter la consultation populaire. Perplexes devant cette cacophonie, les citoyens semblent indécis et appréhendent énormément les dérapages susceptibles de survenir le jour «J». A cet effet, la tension monte crescendo et la Kabylie risque, encore une fois et à son corps défendant, de se retrouver projetée au-devant de la scène à l'occasion de cette élection. Pour Mouloud A. fonctionnaire de Larbaâ Nath-Irathen «le verrou des archs est tombé et la Kabylie votera massivement, même si le mouvement «résiduel» des archs fera tout pour faire capoter cette élection. Personnellement, je place beaucoup d'espoir en cette élection pour apporter le changement voulu pour le pays, mais je redoute beaucoup la partialité de l'administration malgré la mise en garde de l'ANP». Pour sa part, Rachida Z., avocate à Draâ Ben-Khedda, affirme qu'«elle a assisté à tous les meetings des candidats qui ont défilés à Tizi Ouzou, donc elle a opté pour un programme» mais appréhende toutefois «le retour des vieilles pratiques dans le pays profond.» «J'irai voter car j'aspire à un réel changement à travers les urnes, dans la gestion du pays, mais je crains un scénario à la géorgienne si un candidat ou un autre rafle la majorité au premier tour.», nous dira cette jeune juriste. En revanche, Aziz A. commerçant à Tizi Ouzou ne croit pas à cette «énième sollicitation du peuple pour cautionner et reconduire un régime finissant». «Cela dit, je n'obéis aucunement au mot d'ordre des archs, mais pour moi, cette élection ne diffère pas de celle du passé. C'est une mise en scène à six figurants où celui qui a les faveurs des véritables décideurs passera.», indiquera Aziz avant d'ajouter «que le jour où il y aura une véritable démocratie en Algérie, j'irai voter». Une thèse que ne partage pas Hacène de Boghni qui estime que «puisque les six candidats ont placé la crise de Kabylie et le terrorisme parmi leurs priorités, il ne doute aucunement de la crédibilité de ce scrutin».