Dans l'euphorie générale de l'accord intérimaire sur le nucléaire iranien intervenu dimanche à Genève, on n'a pas suffisamment fait attention à ces petits détails qui font la différence. Certes, l'Occident reconnaît à l'Iran le droit à enrichir l'uranium sur son territoire, mais à quel prix? Nous ne voulons pas être un rabat-joie, mais il convient de relever cependant quelques anomalies, apparues notamment dans les déclarations - à tout le moins contradictoires - des protagonistes de l'accord sus-cité. Qui, finalement, dit vrai sur l'accord intervenu ce dimanche entre Téhéran et le groupe des 5+1 sur le nucléaire iranien? La question se pose d'autant plus qu'il faut savoir que face à l'Iran il y avait quatre pays occidentaux (Etats-Unis, France, Grande-Bretagne et Allemagne) très déterminés à faire rendre gorge à Téhéran. La médiation de la Russie et de la Chine a certes équilibré la donne, mais au final il reste que l'Occident est parvenu à ses fins, mettre sous sa tutelle le nucléaire iranien. Qui a dupé l'autre dans ce qui semble être au final une farce? Ou faut-il, comme le chef de la diplomatie russe, Sergueï Lavrov, dire qu'il n'y avait «ni perdant, ni gagnant» ou, selon la formule usuelle, il n'y aurait eu que des «gagnants-gagnants». Sans doute! Mais à bien analyser les choses, ce n'est pas aussi évident et il y a bien un gagnant: l'Occident et par contrecoup...Israël, aussi surprenant que cela puisse paraître. En effet, les déclarations des uns et des autres remettent dans son véritable contexte un accord qui autorise une chose à l'Iran, pour mieux lui interdire tout le reste. Qu'on en juge! En effet, à écouter les propos des Français et des Américains, il y aurait eu une «reddition» en règle de la part de l'Iran sur les principaux points du contentieux: 1) l'enrichissement de l'uranium, dont les Occidentaux auraient obtenu le rabaissement de son taux de 20% à 3,5% - c'est à cette condition d'enrichissement à moins de 5% que l'Iran a obtenu de réaliser l'opération chez lui -; 2) l'arrêt de la construction de nouvelles centrifugeuses 3) l'interruption de la construction du réacteur d'Arak (eau lourde) et de la production de combustibles qui lui est destinée (ces deux éléments constituaient les deux points principaux d'achoppement dans les négociations et le cheval de bataille des Français); 4) la «neutralisation» du stock d'uranium déjà enrichi à 20%; 5) le renoncement à la construction d'une «usine capable (...) d'extraire du plutonium à partir du combustible usagé»; 6) accord donné pour un «accès quotidien aux sites de Natanz et de Fordow à des experts de l'Agence internationale de l'énergie atomique (Aiea)» et à leur visite aux usines de fabrication de centrifugeuses et aux mines d'uranium. En plus, l'Iran devra fournir des données sur le fonctionnement du réacteur d'Arak. Autant dire que le programme nucléaire iranien est mis sous scellé et sous la supervision totale de l'Occident. Tout cela en échange de l'autorisation d'enrichir «à domicile» de petites quantités d'uranium et d'un «léger adoucissement» des sanctions qui frappent l'Iran depuis dix ans, qui, certes, ont mis son économie à genoux et déprimé sa monnaie. C'est sans doute ce qui a permis au président français, François Hollande - dont le propos était pour le moins outré - de se montrer encore plus dur, se félicitant dimanche du fait que la France ait contribué à «une étape vers l'arrêt du programme militaire nucléaire iranien, et donc vers la normalisation de nos relations avec l'Iran». Notons que c'est le seuil dirigeant qui qualifie de «militaire» le nucléaire iranien alors même que l'Aiea n'a jamais été en mesure de prouver, même de manière incidente, que le programme nucléaire iranien avait un caractère militaire. En réalité, la question risque d'être ailleurs. En effet, les péripéties du nucléaire iranien, il ne faut pas s'y tromper, constituaient un test grandeur nature pour les pays du Sud d'avoir leur propre politique nucléaire. Si, effectivement, le nucléaire iranien est mis sous contrôle occidental, cela sera un précédent dangereux, car c'est en fait l'ensemble de la recherche scientifique des pays du Sud qui serait ainsi mise sous expertise d'un quarteron de pays occidentaux qui décident du droit à l'indépendance nucléaire de pays ne faisant pas partie du cercle restreint de ceux «admis» par eux. Or, le monopole que l'Occident exerce sur le savoir et la connaissance est et reste, en tout état de cause, irrecevable. Nous ne cesserons pas de le dire.