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Cessez-le-feu à Falloujah
LA GUERRE EN IRAK
Publié dans L'Expression le 12 - 04 - 2004

Les médiateurs irakiens ont réussi à obtenir une trêve de 12 heures dans la ville rebelle du triangle sunnite.
Entrée en vigueur hier, la trêve de douze heures (d'autres sources parlaient de vingt-quatre heures) décrétée entre les parties belligérantes à Falloujah tenait plus ou moins bien hier deux heures après l'accord obtenu par des médiateurs irakiens. Toutefois des tirs sporadiques continuaient d'être entendus ici et là dans la ville, alors qu'il était signalé qu'un hélicoptère de combat Apache a été abattu hier à l'ouest de Bagdad peu avant l'entrée en vigueur du cessez-le-feu à Falloujah. Il y a lieu en fait de relever qu'il s'agit là d'un cessez-le-feu armé, les belligérants demeurant sur leur garde après une semaine de combats acharnés.
Ces combats ont occasionné la mort de plus de 400 personnes et des blessures diverses pour plus d'un millier d'autres. Un responsable de la coalition a confirmé hier le cessez-le-feu qui, selon lui «doit être en vigueur pour une bonne partie de la journée». De son côté, un des chefs de la rébellion à Falloujah a affirmé à la chaîne satellitaire Al Jazira, qu'il prenait «la responsabilité de l'arrêt des tirs à condition que la partie adversaire (les marines américains) respecte le cessez-le-feu» avertissant cependant «Si l'ennemi viole la trêve nous riposterons». Ainsi, l'arme aux pieds, les antagonistes irakiens et américains restent vigilants, la bataille pouvant reprendre à tout moment. Cette trêve a été obtenue grâce à la médiation de Hatem Al-Husseïni, l'un des responsables du parti islamique irakien (sunnite) selon lequel «les deux parties ont promis de respecter l'accord». Hatem Al-Husseïni indique, par ailleurs que cet accord comporte deux phases la première : «consiste à observer un cessez-le-feu de six heures aujourd'hui (hier) entre 10h00 et 16h00 locale (08h00 et 14h00 heure d'Alger)», «la seconde phase, indique-t-il, peut alors commencer avec un retrait graduel des marines de Falloujah et le déploiement dans la ville de policiers irakiens et de membres des forces de défense civiles irakiennes (Icdc)».
M.Al-Husseïni, qui a indiqué qu'il ne pouvait pas divulguer, en l'état actuel de la situation, le contenu de l'accord de trêve, a précisé par ailleurs qu'il avait rencontré, dès son retour à Bagdad, le chef de l'administration américaine en Irak, Paul Bremer, avec lequel il s'est entretenu sur la mise en oeuvre du cessez-le-feu.
De fait, les forces de la coalition, à part l'accord de cessez-le-feu, n'ont pas confirmé les autres éléments contenus dans l'accord de trêve et le remplacement des marines américains par des éléments de la police irakienne. En tout état de cause il est patent que la coalition a subi un revers sévère de la part de la guérilla irakienne qui non seulement s'est battue pied à pied avec les marines, mais les a contraints (?) à se retirer de la ville rebelle de Falloujah. Ainsi, partis pour une expédition punitive, dans l'optique de venger les quatre Américains tués dans cette même ville, la semaine dernière, les marines américains se sont trouvés engagés dans un combat très dur qu'ils étaient loin d'imaginer. Il est patent que les évènements de Falloujah, de même que la guerre que les soldats US livrent aux partisans du jeune chiite Moqtada Sadr, constituent pour Washington un échec mortifiant qui relativise singulièrement les velléités de vouloir «démocratiser» les Irakiens par la force. En fait, hier les analystes et observateurs se perdaient en conjectures sur les raisons qui ont incité les militaires américains à ouvrir deux fronts contre les sunnites et les chiites radicaux. En ne parvenant pas à venir à bout de la ville rebelle, malgré les moyens lourds mis en oeuvre, en donnant la stature de héros national à un radical chiite, -jusqu'ici plutôt marginalisé et peu représentatif de la majorité chiite-, les militaires américains semblent avoir fait tout faux et montré les limites de la politique du bâton car, comme le souligne très bien un ancien chef de la diplomatie britannique, Douglas Hurd, «on ne gagne pas la sympathie (de la population) en remplissant les hôpitaux et les morgues» La violence délibérée des marines américains a, a contrario, créé un malaise parmi les soutiens irakiens les plus affirmés à l'intervention américaine.
Les démissions au sein du Conseil transitoire de gouvernement, le refus des policiers irakiens de tirer sur leurs compatriotes et sur la population à Falloujah, tournant même leurs armes, à Sadr City, selon le Washington Post d'hier, contre les soldats américains, montrent aux dirigeants américains qu'ils sont loin d'être en pays conquis. De fait, sous le couvert de l'anonymat, un haut responsable de la coalition reconnaissant les difficultés rencontrées par les forces de la coalition a affirmé qu' «il serait inapproprié de parler de bonne semaine, mais rien de tout cela n'aura d'effet sur les opérations (militaires) qui se poursuivront». Moins nuancé, un membre kurde du gouvernement provisoire irakien, Mahmoud Osmane, voit dans ces opérations militaires «un échec américain non seulement à Falloujah mais dans l'ensemble de l'Irak» Selon lui, «Il n'est pas possible de résoudre un tel problème par les moyens militaires car les rebelles ne sont pas en montagne ou dans le désert mais dans les villes au milieu d'hommes, de femmes et d'enfants». Ne cachant pas son scepticisme, M.Osmane enchaîne «Cet accord (trêve avec les rebelles) ne va que compliquer les choses. Cela va donner le sentiment aux insurgés qu'ils sont victorieux, qu'ils ont chassé les marines. Cela décuplera leur moral et leur volonté de combattre» Il est vrai que les Kurdes, qui ont le plus bénéficié de l'intervention américaine en Irak, restent leur plus fidèle soutien.
De fait, Mahmoud Osmane s'interroge «Pourquoi ont-ils ouvert deux fronts? Aujourd'hui Moqtada Sadr jouit d'un appui inégalé. Ceux qui soutenaient l'ancien régime, ceux qui sont contre le Conseil de gouvernement, les chômeurs, sont avec lui. Il est devenu très populaire dans le pays» regrette ce membre kurde du gouvernement provisoire. En fait, les Américains, comme s'ils n'avaient pas suffisamment à faire en Irak ont réussi en une semaine non seulement à fabriquer un héros en la personne du jeune rebelle chiite, mais aussi à donner toute sa dimension au combat des guérilleros de Falloujah légitimés ainsi par leur farouche résistance à l'occupation étrangère.


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