Un peu plus de 15% de l'électorat se sont rendus aux urnes. Empêchée de s'exprimer en répondant à l'appel au boycott ou encore gagnée par une indifférence totale à la chose politique, une grande partie de la population de Kabylie n'a pas pu ou voulu exprimer son choix pour l'un des six candidats en lice à la présidentielle du 8 avril. Seulement, un peu plus de 15% de l'électorat se sont rendus aux urnes à Béjaïa. Un chiffre qui n'est pas surprenant, mais qui impose cependant, des lectures. Certes, le président Bouteflika est sorti vainqueur de ce troisième scrutin controversé dans l'histoire de la région, mais l'addition des scores obtenus par ses deux poursuivants, en l'occurrence Ali Benflis et le Dr Saïd Sadi, indique clairement que l'option pour le changement est majoritaire au sein même des 70.000 citoyens favorables aux élections. Que dire alors du reste de l'électorat, c'est-à-dire des 83% d'électeurs, qui ont opté soit pour le rejet de cette élection soit pour son boycott? Dans des circonstances normales, les partisans du changement l'auraient emporté à Béjaïa haut la main en raison essentiellement, de la gestion hasardeuse de la crise politique qui bouclera sa 3e année dans moins d'une semaine. Si le premier mandat du président s'est caractérisé par une paix retrouvée dans toutes les régions du pays, force est de constater qu'en Kabylie, c'est l'effet inverse qui s'est produit. D'où, avancent de nombreux observateurs, cette expression populaire qui n'a de sens que celui d'un mécontentement généralisé. Désabusés par trois longues années d'instabilité avec leur lot de retards dans tous les domaines, les citoyennes et citoyens de la région de Kabylie ont voulu, à travers leur comportement le 8 avril, distiller au moins deux messages : d'abord mettre fin à la tergiversation dans le traitement de la crise de Kabylie, puis la réconciliation nationale ne peut se faire sans la région encore moins sur son dos. Chacun à sa façon, le citoyen de Kabylie interpelle les responsables sur les risques d'un statu quo, que ce soit celui qui a voté le 8 avril dernier, ou celui qui a opté pour le rejet ou le boycott, l'attitude est exactement la même ; on ne veut plus de cette crise pénalisante. Nonobstant la crise identitaire qui doit impérativement trouver sa solution, que tout un chacun espère dans le projet de réconciliation nationale, les citoyens des villages et villes de Kabylie sont aussi préoccupés par d'autres considérations liées essentiellement à la vie de tous les jours. En d'autres termes, ils veulent tout simplement «leur part du gâteau». Les données socioéconomiques caractérisées par une détérioration continuelle dans tous les domaines sont en grande partie à l'origine du retrait des citoyens de la chose politique. De la cagnotte de 20 milliards injectés dans le cadre de la relance économique, les citoyens n'ont rien vu. Et tant que la situation politique dans la région n'évolue pas dans le sens souhaité par la majorité silencieuse, il en sera de même quoi qu'on mette comme budget aussi important soit-il. Dans ce sens, les protagonistes de ce conflit sont plus que jamais, sommés d'agir au plus vite dans la recherche de solutions à cette crise, sans quoi, aucun apaisement n'est possible et par voie de conséquence aucune relance économique ne peut se traduire positivement sur le terrain. Ce sont là, quelques enseignements qu'il faut savoir tirer de l'expression électorale de la région à l'occasion du dernier scrutin. Un retour d'écoute est fortement attendu. Il est même urgent.