Le résultat de la récente élection présidentielle n'a surpris que ceux enfermés dans leur tour d'ivoire pour ne pas constater l'évolution de la situation dans la wilaya. A la présidentielle de 2004, en dépit de la participation de Saïd Sadi et de Ali Benflis, le taux de participation n'avait pas excédé 18% dans la wilaya de Tizi Ouzou. Le score de 30% comme taux de participation obtenu jeudi dernier, est un indice révélateur que l'électorat de cette région, qui fait couler plus d'encre que les autres localités à chaque rendez-vous politique, n'est plus statique. Jusqu'aux élections municipales de 1997, l'électorat était régulièrement partagé entre deux partis, le FFS et le RCD, qui étaient encore en bonne santé à l'époque. Mais devant la déception née de la gestion des APC par ces deux formations politiques, ajoutée à d'autres causes qui requièrent plus d'espace pour être développées, la confiance aveugle que leur accordait la population s'est vite mue en méfiance, voire en indifférence. Le résultat de la récente élection présidentielle n'a surpris que ceux enfermés dans leur tour d'ivoire pour ne pas constater l'évolution de la situation dans la wilaya. La réalité du terrain présageait ce chiffre de 30% qui peut être considéré, sans exagération, comme un record d'autant qu'un nombre considérable d'électeurs potentiels s'est empêché d'aller voter par crainte d'éventuelles émeutes, qu'auraient insidieusement provoquées les partisans du boycott. Ces derniers, et tout le monde le sait, étaient dans une totale incapacité de mobiliser pacifiquement une opinion en faveur d'une opposition au vote qu'ils prônent sans proposer d'alternatives. En manque d'arguments, la seule panacée qui leur restait, c'était d'exploiter la naïveté de jeunes adolescents, chauffés à blanc, afin qu'ils aillent se défouler sur les urnes. Mais, cette fois, même ce procédé, du reste peu orthodoxe, n'a pas trouvé d'écho puisque le 9 avril, les anti-boycott, et c'est leur droit le plus absolu, ont respecté les autres en les laissant accomplir leur droit constitutionnel. Quant à savoir pourquoi la wilaya de Tizi Ouzou s'est exprimée cette fois-ci et de manière massive en faveur de Abdelaziz Bouteflika, plusieurs éléments peuvent en constituer des réponses objectives. L'une des raisons est, sans doute, le ras-le-bol de la population devant les multiples manipulations dont elle n'a cessé de faire l'objet depuis près d'une vingtaine d'années pour des desseins qui ont une relation directe avec des gestions de carrières individuelles mais aucune avec le destin économique et social de la wilaya. Des manipulations qui ont eu pour argument de base la question très sensible de l'identité amazighe. Une revendication de coeur qui a été, en totalité, prise en charge depuis sa constitutionnalisation en 2003 comme langue nationale. Tamazight qui drainait les foules n'est plus frappée d'interdit. Elle est enseignée dans toute la Kabylie. Elle dispose d'une chaîne de télévision, et l'un des engagements électoraux de Abdelaziz Bouteflika, durant ses différentes sorties lors de sa campagne électorale, a été la création d'une académie de langue amazighe. Cette langue aura ainsi trois institutions, en plus des deux existantes (le Haut commissariat à l'amazighité et le Centre national d'aménagement linguistique pour l'enseignement de tamazight) avec pour mission, de lui redonner sa place en tant que langue nationale. En attendant que les conditions nécessaires pour son officialisation soient réunies. Cette somme d'acquis était une utopie il y a une vingtaine d'années. Il ne faut pas oublier que la reconnaissance de la revendication berbère n'est plus l'apanage des deux partis: FFS et RCD, depuis que tamazight est langue nationale. Aucun parti politique, aussi conservateur soit-il, ne peut désormais faire l'impasse sur la question. La prise en charge de la question amazighe, ajoutée au bilan économique chiffré en matière de réalisation de projets qui ne peut faire l'objet de contestation parce que palpable, ont fait que les citoyens de la Kabylie ont refusé de se laisser entraîner dans la démarche nihiliste des partisans de la chaise vide, du chantage et du désordre, comme seul projet politique et économique.