Aussaresses le tortionnaire et Ben M'hidi l'immortel L'assassin du chef de la Zone autonome et du cerveau de la lutte contre l'armée française lors de la bataille d'Alger, Larbi Ben M'hidi, s'est éteint sans donner plus de précisions sur l'implication de l'armée française dans la guerre de Libération. Le général Paul Aussaresses, qui avait ouvertement assumé son implication dans la torture durant la guerre d'Algérie, est mort à l'âge de 95 ans, a annoncé mercredi sur le site de l'association des Anciens parachutistes coloniaux héritiers des S.A.S «Qui Ose gagne». L'Association n'a pas précisé la date du décès, mais dit que le général Aussaresses était «hospitalisé depuis quelque temps». Le général Aussaresses avait été condamné en 2004 pour apologie de la torture et exclu de l'ordre de la Légion d'honneur. Ancien responsable des services de renseignement à Alger pendant la guerre d'Algérie, le général Aussaresses avait été condamné au terme d'un procès qui avaient fait grand bruit. En 2001, il avait admis dans son livre Service spéciaux, Algérie 1955-1957, avoir pratiqué la torture, «tolérée, sinon recommandée» selon lui par les politiques. Ces confessions, accompagnées d'interviews dans la presse, avaient suscité une tempête politique. Le général Aussaresses avait reconnu avoir procédé à l'exécution sommaire, par pendaison maquillée en suicide, de Larbi Ben Mhidi, dans la nuit du 3 au 4 mars 1957, les faits étant commis avec l'assentiment tacite, selon lui, de sa hiérarchie militaire et d'un juge qui aurait lu le rapport sur le prétendu suicide avant que celui-ci ait eu lieu. Le 5 mars 2007, dans un entretien au Monde, Aussaresses retrace les dernières heures de Larbi Ben M'hidi qui aurait été conduit dans la ferme désaffectée d'un colon extrémiste, dans la Mitidja. Six hommes dont Aussaresses préparent l'exécution en passant une corde à travers un conduit de chauffage. L'un des hommes a joué le rôle du supplicié pour vérifier que tout était au point. Un parachutiste veut bander les yeux de Ben M'hidi. Celui-ci refuse. Ben M'hidi sera pendu les yeux bandés Le soldat répond qu'il exécute un ordre. Ben M'hidi réplique qu'il est colonel de l'ALN et qu'il sait ce que sont les ordres. Sa demande sera finalement refusée; il sera pendu les yeux bandés. Suite à ces révélations scandaleuses, le 4 mai 2001, Jacques Chirac, président de la République, se déclare «horrifié par les déclarations du général Aussaresses» et demande que la Légion d'honneur de Paul Aussaresses lui soit retirée et que le ministère de la Défense prenne des sanctions disciplinaires à son égard. Les révélations d'Aussaresses Le président Chirac signera un décret qui placera le général Aussaresses en position de retraite alors qu'il était dans la 2e section des officiers généraux. Il restera ensuite le seul officier général des armées françaises sanctionné placé dans cette position administrative. Le 13 juin 2001, le procureur de la République de Paris fait citer Aussaresses devant le tribunal correctionnel de Paris, en raison de divers passages figurant dans son ouvrage. Le général Aussaresses a, par ailleurs, fait l'objet de plaintes séparées pour les crimes de tortures qu'il avait reconnus dans son livre. Une autre procédure avait été ouverte mais la Cour de cassation l'a rejetée, les crimes de torture commis lors de la guerre d'Algérie ayant été amnistiés. Paul Aussaresses a toujours affirmé que ses actes avaient été commis avec l'aval de sa hiérarchie et de l'autorité politique. Les révélations d'Aussaresses avaient soulevé un tollé sur la scène médiatique et politique algérienne et de nombreux témoins de la révolution algérienne ont dénoncé ses déclarations et ont souhaité que les militaires français soient poursuivis devant la justice internationale pour crime contre l'humanité. Aussaresses n'a pas levé tout le voile sur les exactions de l'armée française et sa mort n'a pas totalement enterré la vérité sur cette période coloniale douloureuse. Réactions Louisa Ighil Ahriz, (moudjahida): «Aussaresses est parti sans dire toute la vérité. Il a reconnu avoir tué Ben M'hidi, il n'a pas dit toute la vérité sur les centaines de disparus algériens qui ont été torturés et assassinés durant la bataille d'Alger. Il n'a rien dit également sur la mort de Maurice Audin. Il faut savoir qu'Aussaresses était dans un premier temps contre la torture et un ami du général de Bollardière, avant d'être récupéré par le général Massu qui l'a mis sous sa coupe et totalement retourné. Mais entre généraux, il n' y a pas de pires et moins pires généraux, ils se valent tous. De toute façon, ils ont été les acteurs de la torture en Algérie.» Bachir Derrais, producteur du film sur Ben M'hidi «J'ai rencontré Aussaresses en 2008 à Montparnasse, il m'avait accordé un entretien de cinq heures pour l'écriture de scénario du film sur Ben Mhidi et je peux vous garantir qu'il avait encore la haine dans ses yeux. Il n'avait pas digéré l'indépendance de l'Algérie, le départ de l'armée française du pays. Il ne parlait que de l'action de la France en Algérie et de sa mission «civilisationnelle». Dommage qu'il soit parti sans tout dire. Il a deux filles et on ignore s'il a encore laissé des mémoires pour les faire publier. Dommage que ces militaires partent sans être inquiétés et condamnés par la justice internationale, alors qu'ils ont commis des crimes plus atroces que les nazis. Ceci au moment où ces derniers sont poursuivis dans le monde, les parachutistes sont totalement libres en France et ailleurs.» Mme Meriem Belmihoub Zerdani (avocate et moudjahida): «Allah la yaredou (que Dieu fasse qu'il ne revienne plus). Aussaresses est un acteur de la torture. Il a été l'assassin de Ben M'hidi, que j'ai connu quand on préparait le congrès de la Soummam, avec Abane Ramdane et Omar Oussedik. Mais quelque temps après, on a été arrêtés, quand les parachutistes nous ont encerclés, moi, Amara Rachid et le commandant Azzedine. La mort d'Aussaresses n'apportera rien à la vérité.» «Je suis contente de sa disparition, c'est une pourriture en moins sur la planète. C'est des gens comme lui qui ont torturé et assassiné des militants algériens. Les militaires français ont été dressés comme des chiens pour soutirer nos aveux, mais on a été très forts et on répondaient à la torture par des chants et des youyous. Pour ce qui est de la vérité, nous avons déjà tout dit sur la torture et les exactions de l'armée française, mais eux, ils ont toujours peur de parler et d'ouvrir leurs archives et ils ne sont pas près de les faire sortir au grand jour.