53 chefs d'Etat et de gouvernement ont confirmé leur présence aux funérailles d'un homme promu au rang de «héros» planétaire Pour le président américain Barack Obama et des millions de gens dans le monde, Nelson Mandela lutteur infatigable contre l'apartheid, était un héros... Mais à quoi reconnaît-on les héros, quel est leur utilité et le monde connaîtra-t-il un autre Mandela? Question d'autant plus complexe que la notion de héros est subjective et multiforme. Pour les Grecs anciens, un héros était un demi-dieu comme Achille, un «surhomme» se distinguant par ses exploits remarquables. Puis le terme a été utilisé pour qualifier des personnages faisant preuve d'un courage extraordinaire ou d'autres vertus exemplaires, qu'il s'agisse d'individus réels (Gandhi, Mère Teresa, Winston Churchill, Martin Luther King) ou de fiction (Robin des Bois, Superman). «L'héroïsme est au centre de toute culture et société», résume Frank Farley, enseignant à l'université américaine de Temple, à Philadelphie, USA. «On trouve des héros et des héroïnes depuis le début de l'histoire humaine, la littérature est truffée de héros, d'anti-héros et de faits héroïques», rappelle-t-il. Si l'on demande à quelqu'un ce qui caractérise un héros, on obtient une liste étonnamment homogène, quelle que soit la culture de l'intéressé, relèvent les experts: le courage, la compassion, l'ambition, l'intelligence, l'humour, l'optimisme et, curieusement, une grande taille. «Beaucoup de héros ont une capacité d'altruisme, une générosité», ajoute M.Farley, pour qui «ce sont des bienfaiteurs qui peuvent même donner leur vie pour autrui». Nelson Mandela privilégiait la volonté et la détermination. «Un homme qui ne craquera pas, même en traversant les pires épreuves»: voilà comment l'ancien président sud-africain définissait lui-même un héros dans son autobiographie, «Un long chemin vers la liberté». On recense trois grandes catégories de héros: ceux qui consacrent leur vie à essayer de changer le monde, ceux qui mettent leur vie en danger pour sauver un inconnu d'un bâtiment en flammes ou de la noyade, et les «héros professionnels» comme les pompiers ou les policiers. La plupart des héros historiques ont en commun le fait d'avoir fait face à une terrible adversité, souligne Elaine Kinsella, psychologue de l'université irlandaise de Limerick qui travaille depuis des années sur le concept de héros. «En général, les héros ont enduré tellement de difficultés et de souffrances que l'on n'a pas envie de les imiter». C'est précisément ce qui les sépare de nos modèles du quotidien, explique-t-elle: «qui voudrait vivre la vie qu'a connue Mandela?» Nelson Mandela a passé 27 années dans les geôles de l'apartheid, isolé, coupé de sa famille, privé de soins et condamné aux travaux forcés sur l'île de Robben Island. Des conditions de détention telles qu'il en a contracté la tuberculose et des troubles oculaires irréversibles. Et souvent, plus le héros souffre plus il est vénéré. Mais si la célébrité de Nelson Mandela a atteint de tels sommets, c'est aussi grâce à sa prodigieuse victoire sur le système de ségrégation raciale dans son pays, notent Scott Allison et George Goethals qui enseignent la psychologie à l'université américaine de Richmond (Virginie). «Quand nous avons demandé aux gens quels étaient les héros opprimés les plus emblématiques, c'est le nom de Nelson Mandela qui est revenu le plus souvent», assurent-ils. Et les humains ont un profond besoin de s'identifier à des héros. «Ce sont nos modèles comportementaux» dit Frank Farley. Ils nous rassurent en nous montrant la voie à suivre et nous réconcilient avec le monde et nous-mêmes en nous rappelant que les gens biens existent, ajoute Mme Kinsella. «66% des gens que nous avons interrogés disent avoir au moins un héros». Mais le statut de héros est de plus en plus menacé, préviennent les experts. Car notre admiration pour les héros vient du fait que nous les croyons meilleurs que nous. Et cette aura est bien difficile à préserver à l'heure d'Internet, où les moindres travers des personnages publics s'étalent sur la toile. Certes, Martin Luther King, John Kennedy et Franklin Roosevelt ont été infidèles, mais leurs travers ont été révélés alors qu'ils étaient déjà bien installés sur leur piédestal. Avec l'influence grandissante et planétaire des réseaux sociaux, ce serait bien plus compliqué aujourd'hui.