«Le monde changeait. Il fallait que j'y participe» affirme Angela Davis dans ce poignant documentaire de Shola Lynch. La salle El Mougar a abrité vendredi dernier la projection d'un excellent documentaire intitulé free Angela, un document important fait de témoignages, d'un soupçon de reconstruction, mais de beaucoup d'archives sur le parcours exemplaire et ultra courageux de Angela Davis, icône de la lutte pour les droits du peuple noir aux Etat-Unis dans les années 1970. Le film s'ouvre sur la date du 17 août 1970, Angela Davis est renvoyée de l'université où elle enseignait. Elle est traquée par le FBI qui l'accuse d'être complice d'un attentat pour libérer les prisonniers politiques, image d'archive à l'appui avant de basculer à aujourd'hui. Angela Davis, toujours élégante et altière derrière son bureau, évoque son combat et son parcours qui l'ont mené à s'engager dans la révolution au sein du mouvement Black Panthers. Noirs et Vietnamiens c'était pareil et ils subissaient le même traitement dit -on dans le film. Le documentaire de 90 mn est parsemé de témoignages entre amis d'enfance proches et même des anciens présidents américains, allant de Kennedy à Ronald Reagan pour se clore avec Richard Nixon qui qualifiera Angela Davis de «coupable», comme l'a fait avant lui Reagan en la traitant de «dangereuse activiste». Le film dévoile une femme intellectuelle, forte et déterminée, bien décidée à aller jusqu'au bout de ses convictions, car comme elle le disait bien «Le monde changeait. Il fallait que j y participe» ou encore: «La connaissance peut changer le monde» deux phrases qui témoignent de la force de caractère de cette militante de la première heure qui haranguait les foules comme rares savent le faire en ralliant à sa cause des milliers d'Américains, y compris des Blancs, elle, fille issue de la bourgeoise, qui n'avait pas froid aux yeux. Parlant d'elle, ses amis disaient qu'elle était très intelligente. Angela Davis, en plus d'être enseignante de philosophie, faisait partie du club le che Lumumba et était communiste. Cela suffisait amplement pour la discréditer et la renvoyer de l'université, car le camp auquel elle appartenait prônait, affirmait-on, le renversement du système par la violence. Une femme, noire et qui plus est communiste, une cible toute trouvée. C'est le début de la violence. «La révolution était imminente» soulignait Angela Davis. Aussi, elle est accusée d'avoir organisé une tentative d'évasion et une prise d'otage qui se soldera par la mort d'un juge californien et de quatre détenus. Elle est la femme la plus recherchée des Etats-Unis. Arrêtée, emprisonnée, jugée, condamnée à mort, elle sera libérée, faute de preuve et sous la pression des comités de soutien internationaux, dont le slogan est Free Angela. C'est dans une ambiance de tension que s'accomplira cette guerre intestine aux USA. Tout rebelle noir qui ose proclamer politiquement ses droits est immédiatement assassiné. Malcom x en fait partie, le président Kennedy... La seule défense pour Angela était de prendre les armes pour se défendre et défendre sa famille d'abord. S'il montre tout l'effort consenti par Angela Davis à s'investir dans le comité de soutien aux Frères de Soledad, trois prisonniers noirs américains accusés d'avoir assassiné un gardien de prison en représailles au meurtre d'un de leurs codétenus, le film dévoile par ricochet la passion que l'activiste développera pour Gorge Jackson, un de ces trois détenus et leur rapprochement une fois mise elle aussi en prison. C'est cet amour-là qui sera accusé par le procureur d'être à l'origine de l'achat des armes, afin suppute-t-il la libération de ces prisonniers politiques. Mais Angela saura prouver son innocence devant le monde entier, jouissant finalement de l'acquittement, juste après l'abolition de la peine de mort en Floride. L'homme avec lequel elle partageait et les idées et le sens aigu de l'écriture, finira par être tué. L'écho de l'emprisonnement d'Angela Davis finit par faire le tour du monde. Nina Simone viendra la voir en prison et même Jean Genet en France, plaidera sa cause.. Aujourd'hui, Angela devenue un symbole de la lutte contre toutes les formes d'oppression: raciale, politique, sociale et sexuelle, n'a pas cessé le combat. Avec sa coupe de cheveux «boule» et sa superbe silhouette elle lancera, malgré elle, la mode «afro», reprise à cette époque par des millions de jeunes gens. Une femme, dont la bravoure et l'engagement continuent à faire du bruit jusqu'à présent. Aussi 40 ans après, Shola Lynch décide de raconter l'histoire de cette légendaire femme, à l'occasion de l'anniversaire de son acquittement. Avec Free Angela, elle revient sur cette période cruciale de la deuxième partie du XXe siècle. Une époque pas si révolue que ça, puisque le racisme continue à faire des siennes partout dans le monde. Bel exemple du mot engagement, dans son sens le plus noble. Ce documentaire est d'une pertinence capitale, comme l'a été le radicalisme de cette femme. Un film émouvant, dont la force réside nonobstant dans le combat sans faille d'une femme pour le peuple noir mais aussi dans le dévoilement de l'intimité d'une femme amoureuse à travers ses lettres personnelles. Un portrait complet avec cette partie peu connue de cette femme de poigne. Le second film projeté vendredi dernier, une fiction, a pour sa part, montré hélas peu de prouesses cinématographiques malgré la gravité du sujet développé. Réalisé par K.Lensoe, Au-delà des lignes ennemies se passe en Afrique du Sud sous le régime de l'apartheid. Joan, fille romanesque qui passe son temps à danser dans sa chambre ne connaît pas grand-chose des violente affrontements qui secouent son pays. Son père, tout comme le garçon qu'elle aime sont des tortionnaires qui tuent des militants noirs, qu'ils considèrent comme des terroristes. Mais un jour, sa mère décide de lui révéler le secret, avant de se suicider plus tard. Aussi, la gouvernante accueille chez elle l'ami de son fils assassiné, blessé. Parti pour l'enterrement de son fils c'est à Joan que revient la responsabilité de s'en occuper. Jusqu'à ce que le pot aux roses soit découvert par le fiancé. S'ensuivent de violents affrontements. Le film, qui dénonce ainsi le règne de la violence de cette époque et la dislocation des rapports entre les gens par le pouvoir de l'apartheid, plaide pour l'amour et l'abolition des différences entre personnes de couleur. Cependant, si le sujet traité est des plus nécessaires et importants, le film ne parvient à aucun moment à s'élever tant les plans, les postures et même la façon de filmer sombrent dans le réflexe télévisuel. Au-delà des lignes ennemies manquera cruellement de consistance au niveau scénaristique, se contentant d'une dramaturgie assez théâtrale et une mise en scène banale frôlant le ridicule et la caricature. Un premier film sans doute, mais on espère cependant pas le dernier tout de même pour son réalisateur.