Lorsqu'il y a un arrêt de travail, il est difficile pour un prévenu «d'effacer» l'usage d'arme blanche... Maître Farida Djellad, l'avocate de Ammar S. mal dans sa peau de prévenu, était très sceptique quant à l'issue des débats menés de main de maître par Meriem Derrar, la présidente de la chambre correctionnelle du dimanche de la cour d'Alger. Des débats intéressants... Le prévenu âgé de vingt-sept ans a une queue de cheval qui en dit long sur son état d'esprit. Avec son blouson en cuir marron, il répond du tac au tac à la juge, décidée à faire vite car à treize heures et quelque, c'est déjà sombre dehors avec un ciel gris et bas... Elle lui rappelle qu'il a reconnu le délit de coups et blessures volontaires. Il tenta de dribbler Derrar, relit un large passage où il déclare «c'est moi qui l'ai agressé et donné des coups au niveau du corps et au visage sans usage de pierres, mais à l'aide de mes mains.» «Or, le certificat médical évoque un objet contendant et chez nous, dans les salles d'audience, il n'y a d'objet contondant que le couteau. Ce qui vous a valu un deux ans ferme», ajoute la juge qui a heureusement vite saisi que le prévenu était venu pour ne pas titiller les sens des trois magistrats qui étaient sincèrement dans leur jour au lendemain d'un week-end froid et pluvieux... Maître Djellad reprend les faits devant tant d'évidence. La tâche semble ardue et il ne reste qu'à demander à la cour les circonstances atténuantes et l'éloignant de l'usage de l'arme blanche. «C'est pourquoi, nous réclamons une simple amende tout en éloignant la peine d'emprisonnement ferme que mon client ne mérite nullement car il vous a dit la seule vérité qui est du non-usage d'arme blanche ou pire, d'objets contondants», a sifflé la sympathique avocate de Saïd Hamdine qui n'a pas voulu faire trop long juste à la vue du monstrueux rôle visible avec les cinq piles de chemises tricolores soigneusement bien placées par le greffier, plutôt bien inspiré en cette fin de mois. Il faut signaler que le client de Maître Djellad-Siad en l'occurrence Ammar S. s'avère être un «gentil» gars prêt à s'enflammer dès qu'on lui rappelle que sa maman a été éclaboussée de mots pas beaux par ailleurs... Et dans ce cas, la colère mène à la violence et la violence à un chapitre qui punit, dans son article 264 (loi n°06 - 23 du 20 décembre 2006) d'une peine d'emprisonnement de un à cinq ans et d'une amende de 10 000 DA à 500 000 DA. Et puis, tant que nous y sommes, donnons tout l'article tel quel en vue d'offrir au justiciable lecteur une idée de ce que risque un amateur de violences volontaires. «Quiconque, volontairement, fait des blessures ou porte des coups à autrui ou commet tout autre violence ou voie de fait, et s'il résulte de ces sortes de violence une maladie ou une incapacité totale de travail pendant plus de quinze jours, est puni d'un emprisonnement d'un à cinq ans et d'une amende de cent mille dinars à cinq cent mille dinars. Le coupable, peut en outre, être privé des droits mentionnés à l'article 14 de la présente loi pendant un an au moins et cinq ans au plus. Quand les violences ci-dessus exprimées ont été suivies de mutilation ou privation de l'usage d'un membre, cécité, perte d'un oeil ou autres infirmités permanentes, le coupable est puni de la réclusion à temps de cinq à dix ans. Si les coups portés ou les blessures faites volontairement, mais sans intention de donner la mort l'ont pourtant occasionnée, le coupable est puni de la réclusion à temps de dix à vingt ans.» Pour les amateurs de sensations fortes, relevons au passage les différentes probabilités quant au prononcé de verdicts allant vers les peines de la réclusion à temps. C'est dire si le magistrat du siège détient, en main, des munitions pour rendre justice conformément à la loi. Pour revenir au procès, disons simplement que les faits auxquels s'est heurté le prévenu sont quasi quotidiens et donc nos juges du siège s'accommodent fort bien des audiences de ce type car, généralement, les violences sont comprises en droite ligne de la loi qui réprime fortement ces actes. Maître Djellad Siad, elle, a su placer les mots qu'il faut en direction du trio de magistrats royalement menés par une Derrar qui allie désormais, sa rigueur, sa compétence à son expérience assez riche pour être au niveau des espérances déclarées de Tayeb Louh, le ministre de la Justice, garde des Sceaux qui a martelé qu'il était temps pour nos magistrats de se décarcasser et de se hisser si haut juste pour le succès de la réforme initiée et souhaitée ardemment par des priorités de son riche programme. Et ici, Mériem Derrar, depuis le quart de siècle d'exercice, n'a jamais, jamais, été défaillante. A. T.