Des combats et des bombardements ont secoué hier la ville irakienne de Fallouja, toujours sous le contrôle d'hommes armés, même si des policiers chargés de la circulation ont fait leur retour dans les rues. Des membres de l'Etat islamique en Irak et au Levant (Eiil), un groupe lié à Al Qaîda, et des membres de tribus ont pris le contrôle ces derniers jours de Fallouja, une ville de la province à majorité sunnite d'Al-Anbar, frontalière de la Syrie. Des hommes armés, masqués, se trouvaient notamment sur les ponts et aux entrées des quartiers. Ils étaient aussi présents sur des routes menant à cette ville située à 60 km à l'ouest de Baghdad. Des membres de la police de la circulation, seulement chargée de gérer les déplacements des véhicules et de contrôler les intersections, étaient cependant de retour dans la ville, avec l'accord des hommes armés, dont l'allégeance n'était pas claire dans l'immédiat. Les feux de circulation marchaient de nouveau et certains magasins ont rouvert. Plus tôt le matin, des affrontements ont eu lieu durant une heure dans les quartiers d'Al-Askari (est) et Al-Chouhada (ouest). Ces mêmes secteurs ont également été bombardés. Là encore, il n'était pas possible de savoir quels groupes exactement étaient impliqués dans ces combats. Quatre principaux protagonistes sont impliqués dans les affrontements depuis plusieurs jours: les forces de sécurité, des tribus qui combattent à leur côté, des membres de l'Eiil et des tribus hostiles au gouvernement. L'armée, appuyée par des hélicoptères, combattait par ailleurs hier des insurgés à Khaldiyah, un secteur près de Ramadi (100 km à l'ouest de Bagdad), selon un capitaine de la police. L'Eiil s'est également emparé la semaine dernière de plusieurs quartiers de Ramadi, chef-lieu d'Al-Anbar. Les violences, qui ont commencé le 30 décembre avec le démantèlement à Ramadi d'un camp de protestataires sunnites anti-gouvernementaux, ont fait plus de 250 morts selon des sources médicales et officielles. C'est la première fois depuis l'insurrection ayant suivi l'invasion américaine de 2003 que des militants d'Al Qaîda, qui sont parallèlement devenus une force majeure dans le conflit en Syrie voisine, prennent si ouvertement le contrôle de zones urbaines en Irak. Les derniers combats interviennent quelques heures après un appel de l'Eiil aux sunnites à poursuivre leur lutte contre les forces armées gouvernementales. Le porte-parole du ministère de la Défense Mohammed al-Askari avait indiqué mardi que les soldats déployés près de Fallouja attendaient avant de lancer un assaut, expliquant qu'il fallait éviter de «faire couler le sang de ses habitants». Le Premier ministre Nouri al-Maliki, un chiite, avait appelé les tribus à chasser elles-même les combattants de l'Eiil pour éviter une offensive d'envergure contre Fallouja. Des chefs tribaux assurent que la ville est maintenant aux mains d'hommes armés appartenant à des tribus. Les hommes de tribus «combattent pour protéger Fallouja et Garma (ville à une dizaine de km plus à l'est, ndlr) des attaques de l'armée», a indiqué hier cheikh Rafa al-Joumaili. Lundi, un autre chef, cheikh Ali al-Hammad, avait affirmé que l'Eiil avait quitté Fallouja et que cette ville se trouvait désormais entre les mains des tribus. Des renforts militaires ont néanmoins continué mardi de prendre position autour de Fallouja, que des centaines d'habitants ont fui.