Les visées américaines semblent aller au-delà des objectifs du «plan PanSahel». Le grouillant univers constitué par la bande du Sahel intéresse les Etats-Unis de manière tout à fait particulière. Les groupes rebelles, les mouvements touaregs, les noyaux islamistes, autonomes ou affiliés à Al-Qaîda, et le florissant commerce d'armes qui s'y développe sont autant de motifs de ce brusque intérêt à ces terres arides et rocailleuses que traverse une large bande désertique. Le sud de l'Algérie, la Mauritanie, le Mali, le Niger et le Tchad sont tous touchés par cet intérêt que portent les experts militaires américains à cette terre oubliée du continent africain. Un plan dit «PanSahel» a été consenti envers ces pays afin de les sortir de l'anonymat et de la misère, et de les mener vers un développement graduel. Ce plan-là, en réalité, est déterminé par une assistance militaire, discrète certes, mais qui permet à Washington d'avoir à l'oeil un vaste univers qui, jusque-là, lui échappait, et Dieu seul sait ce qui se passe dans la bande du Sahel et ce qui risque de se passer. Une des premières «cibles» qui pointent, pour ces experts américains semble être l'activité des services secrets français, présents en force et influents traditionnellement dans la région. Les «affinités» historiques et culturelles de la France dans des pays tels que l'Algérie, le Mali, le Niger et la Mauritanie et par conséquent, la présence accrue et l'avance prise par la Dgse sont un motif solide pour les experts américains de mettre sous la loupe la région entière. Le Gspc, en déplaçant la guerre d'Algérie au Niger et au Mali ouvre toutes grandes les portes du Sahel à la présence militaire américaine, tout en offrant «sur un plateau» les justificatifs acceptables de cette présence que beaucoup lorgnent d'un mauvais oeil. C'est surtout grâce à la présence inquiétante du Gspc dans la région que les Etats-Unis peuvent être contents d'opérer une «pénétration à l'américaine» dans la région. On sait avec plus ou moins d'exactitude que le Gspc a tissé des liens avec l'organisation de Ben Laden, Al Qaîda, et on sait avec beaucoup moins d'exactitude que le Gspc a fait florès dans la bande du Sahel en distribuant l'argent dont il disposait aux bandes de rebelles, aux groupes armés autonomes et aux mouvements touaregs de la région. Ce beau monde inquiète au plus haut degré les autorités américaines qui voient en ce conglomérat dangereux et armé un parfait vivier pour les djihadistes d'Al Qaîda et ceux qui gravitent autour de la nébuleuse d'Oussama Ben Laden. La nouvelle percée militaire américaine dans la bande du Sahel complète en fait celles, déjà faites et «établies», opérées en Afghanistan, en Irak, en Méditerranée. NSA, Réseau Echelon et les systèmes d'écoutes électroniques déjà installés sont d'autres moyens d'affermir la mainmise sur la planète et la présence d'experts militaires dans la bande du Sahel est d'autant plus intéressante qu'elle s'est faite avec le «consentement ravi» des pays concernés. La sombre et invisible présence d'Al Qaîda dans la région inquiète, d'abord, les gouvernements en place aux aguets, quant à chaque trouble qui pourrait les remettre en cause. Cela explique largement l'engouement de Washington qui dit être «favorable à l'établissement d'une coopération sécuritaire régionale» avec des pays africains, «notamment ceux du Maghreb et du Sahel». Cette coopération, estimait il y a quelques jours, le journal américain Globe, aiderait ces pays à mieux combattre «la menace terroriste croissante sur le continent africain». Cette initiative a déjà été annoncée et amorcée à l'issue de la rencontre de Stuttgart, en Allemagne, qui a réuni récemment, les plus hauts responsables de la défense des huit pays africains (c'était le général de corps d'armée Mohamed Lamari qui représentait l'Algérie) et des militaires américains de haut rang représentant le commandement européen des forces américaines. «Les bandits, les contrebandiers et les terroristes qui se servent des zones frontalières» sont les motifs de ce brusque intérêt américain selon les propres dires du colonel Wilson, lors de la rencontre organisée en 2003, à Bamako, par African Center for stratégic studies et consacrée au terrorisme. Les experts militaires américains aiment à préciser que cette collaboration a abouti (déjà) à l'opération, couronnée de succès, menée contre le Gspc au Sud de Tamanrasset, et qui a permis l'élimination d'un important groupe et la récupération d'un lot d'armes très important. Voilà donc, planté «en soft», le décor d'une présence militaire américaine «qui consolide tout le monde». L'ennemi est trouvé, les autres parties sont contentes et la présence de «miradors» américains pourrait, tout à leur aise, brasser tout ce qui pourrait «intéresser» Washington à court, moyen et long termes. La mise en oeuvre de plans de guerre made in USA est aujourd'hui, en application et les guerres préventives sont devenues désormais, un «droit» que nul ne conteste aux Etats-Unis. L'ambition démesurée et criminelle des Etats-Unis est d'autant plus inquiétante qu'elle ne saurait renoncer aux aventures militaires à venir et qu'elle abolit le droit des peuples. Washington veut créer son «harrenvolk», celui du peuple américain qui a le droit de conquérir «l'espace vital» qu'il juge nécessaire et de ne tolérer l'autre que si cet autre ne constitue pas une «menace» pour le développement, à grande échelle, de ses projets.