C'est une large bande de plusieurs milliers de kilomètres qui attise la curiosité des experts militaires américains. Coup sur coup, deux informations sont venues se superposer pour amener à croire que les Etats-Unis feront tout pour impliquer l'Algérie dans la surveillance des frontières sud qui bordent la bande du Sahel. Il y a plusieurs semaines, une «note de voyage» rédigée par Washington à l'endroit de ses ressortissants américains décrivait le Sahara algérien comme une «zone à hauts risques» et les invitait à s'abstenir de s'y rendre. Une note ambiguë, qui aurait dû faire grincer des dents les officiels algériens, mais qui a été vite atténuée par l'éloge prononcé de Condoleeza Rice dans une lettre adressée à son homologue algérien, Abdelaziz Belkhadem, et qui faisait état de l'avancée certaine de l'Algérie en matière de démocratie et d'«ouverture du champ politique». Il y a trois jours, une intervention de Lorenzo Vidino, le sous-directeur de Investigative Project, devant la sous-commission du terrorisme international et de la non-prolifération, de la chambre des représentants de Washington, avait clairement mis en garde contre la «zone grise du Sahel», et estimé que l'Algérie est le meilleur allié des Etats-Unis dans cette région délicate: «un allié-clé», a-t-il prononcé. Les Etats-Unis avaient en fait commencé à s'intéresser à cette région au lendemain de la guerre engagée aux Etats-Unis et la dispersion des cadres d'Al Qaîda et de ses sympathisants un peu partout dans le monde. La présence du Yéménite Imad Abdewahed Alouane en Algérie (il avait été abattu à Batna en 2002), via le Sahel puis l'acheminement des 14 touristes kidnappés par le Gspc d'Algérie vers le Mali avaient fini par conforter les experts militaires américains que cette bande du Sahel, longue de plusieurs milliers de kilomètres et qui va de la Mauritanie au Tchad à la Somalie en passant par le Mali et le Niger, finira par constituer une «rampe de lancement» pour les futurs groupes armés. La capture des islamistes africains menés par Amari Saïfi dans la zone de guerre du Tibesti a fini par faire croire définitivement que la bande du Sahel, déjà infestée de groupes rebelles, d'opposants armés, de Touaregs sécessionnistes et de contrebandiers constitués en bandes mafieuses, risque de se voir encore encombrée d'islamistes qui se retrouveraient aux portes de l'Europe dès qu'ils passeraient les frontières nord. Le plan Pan-Sahel Initiative (PSI) américain est un vaste programme, dont l'objectif est d'endiguer toute menace terroriste venant du Sahel. Près de 120 millions de dollars ont été débloqués à cet effet, en plus d'experts militaires et d'équipements sophistiqués pour le repérage, la reconnaissance, la détection et éventuellement l'attaque aérienne. Pour Washington, toutes les bandes islamistes de la région ne peuvent qu'être alliées à Al Qaîda, et doivent de ce fait, être traquées sans répit et démantelées. Cependant, les Etats-Unis ne peuvent s'engager longtemps sur plusieurs fronts ni engager leurs troupes déjà très éprouvées dans des guerres d'usure, et tout aussi aléatoires qui plus est. D'où tout l'intérêt porté aujourd'hui à l'Algérie qui possède déjà sur place hommes et logistique militaire. D'aucuns affirment que les Etats-Unis avec leurs drones et leurs satellites ne sont jamais loin. Outre les satellites espions, les Etats-Unis utilisent des avions de reconnaissance Orion P3. C'est une manière intelligente de mener une guerre de loin, sans avoir à déplorer des pertes, et en faisant impliquer d'autres parties dont les intérêts corroborent les leurs.