Robert Mueller porte un regard attentionné sur les pays maghrébins, avec un intérêt particulier pour la «zone grise» du Sahel. Le patron du Fédéral Bureau of Investigations (FBI) a effectué lundi une visite de travail au Maroc et devrait être, hier à Alger, pour une visite de deux jours. celle-ci devrait s'articuler autour de la coopération sécuritaire, selon la direction du FBI à Washington. Le journal électronique marocain Matinternet, qui a donné l'information, et commentant la visite du patron du FBI au Maroc, précise qu'«il s'agirait d'une visite de travail classique, dans le cadre de la coopération entre les polices des deux pays» et que «le patron du Bureau fédéral américain d'investigations devrait à cette occasion rencontrer plusieurs hauts responsables des services de sécurité marocains». Selon le même journal, le directeur du FBI s'était rendu au Maroc en juin 2003, quelques jours après les attentats du 16 mai qui avaient fait 45 morts et plusieurs dizaines de blessés à Casablanca. Une visite au cours de laquelle il avait été reçu par le roi Mohammed VI. Le Maroc, allié traditionnel des Etats-Unis, coopère activement avec les services de renseignement américains et européens dans le cadre de la lutte contre le terrorisme, mais Alger, depuis les événements du 11 septembre, est devenue, selon les propres termes des responsables américains de la sécurité extérieure, «un allié incontournable» et qui tient un des fichiers les plus à jour qui soit. Mais, aujourd'hui plus que jamais, il semble bien que c'est la bande du Sahel qui représente un nouveau centre d'intérêt des ser-vices de renseignement américains, à leur tête la CIA. En fait, la vingtaine de services spéciaux activant dans et hors des Etats-Unis sont en train de mettre la planète entière sous la loupe, par le biais d'une coopération qui déborde largement du sécuritaire — principal souci américain — pour embrasser une large gamme de centres d'intérêt sur lesquels Washington mobilise ses services. Les grandes villes semblent mieux maîtrisées aujourd'hui, et il y a lieu pour Washington de se faire du souci pour la bande sud du Maghreb, et principalement les régions limitrophes des frontières sahélo-sahariennes de l'Algérie. Depuis l'année 2002, les Etats-Unis font tout pour impliquer l'Algérie dans la surveillance des frontières sud qui bordent la bande du Sahel. Il y a plusieurs mois, une «note de voyage» rédigée par Washington à l'endroit de ses ressortissants américains, décrivait le Sahara algérien comme une «zone à hauts risques» et les invitait à s'abstenir de s'y rendre. Une note ambiguë, qui aurait dû faire grincer des dents les officiels algériens, mais qui a été vite atténuée par l'éloge prononcé de Condoleeza Rice dans une lettre adressée, à l'époque, à son homologue algérien, Abdelaziz Belkhadem, et qui faisait état de l'avancée certaine de l'Algérie en matière de démocratie et d'«ouverture du champ politique». Mais à la même époque, une intervention de Lorenzo Vidino, le sous-directeur de Investigative Project, devant la sous-commission du terrorisme international et de la non-prolifération, de la Chambre des représentants (Washington), avait clairement mis en garde contre la «zone grise du Sahel», et estimé que l'Algérie est le meilleur allié des Etats-Unis dans cette région délicate : «un allié-clé», a-t-il prononcé. Les Etats-Unis avaient en fait commencé à s'intéresser à cette région au lendemain de la guerre engagée aux Etats-Unis et la dispersion des cadres d'Al Qaîda et de ses sympathisants un peu partout dans le monde. La présence du Yéménite Imad Abdewahed Alouane en Algérie (il avait été abattu à Batna en 2002), via le Sahel, puis l'acheminement des 14 touristes kidnappés par le Gspc d'Algérie vers le Mali avaient fini par conforter les experts militaires américains que cette bande du Sahel, longue de plusieurs milliers de kilomètres et qui va de la Mauritanie au Tchad à la Somalie en passant par le Mali et le Niger, finira par constituer une «rampe de lancement» pour les futurs groupes armés. La capture des islamistes africains menés par Amari Saïfi dans la zone de guerre du Tibesti tchadien a fini par convaincre définitivement que la bande du Sahel, déjà infestée de groupes rebelles, d'opposants armés, de Touaregs sécessionnistes et de contrebandiers constitués en bandes mafieuses, risque de se voir encore encombrée d'islamistes qui se retrouveraient aux portes de l'Europe dès qu'ils passeraient les frontières nord. Le plan Pan-Sahel Initiative (PSI) américain avait constitué un vaste programme, dont l'objectif était d'endiguer toute menace terroriste venant du Sahel. Pour Washington, toutes les bandes islamistes de la région ne peuvent qu'être alliées à Al Qaîda, et doivent de ce fait, être traquées sans répit et démantelées.