L'opposition syrienne a finalement donné son accord de participer à la Conférence internationale sur la Syrie dite «Genève 2». En fait, ce n'est pas là une surprise, l'opposition extérieure syrienne n'étant maîtresse ni de ses décisions ni de son destin et dépend des desiderata de ses parrains occidentaux et des monarchies du Golfe. Mais il fallait bien faire supposer que ladite «Coalition nationale syrienne» avait son mot à dire dans cette bataille à enjeu stratégique que constitue la guerre en Syrie. En fait, par les Syriens - et jihadistes étrangers interposés - ce sont les grandes puissances qui s'opposaient indirectement. La guerre en Syrie annonçait, peu ou prou, le retour au-devant de la scène politique et diplomatique mondiale des deux blocs idéologiques qui ont animé la Guerre froide dans l'ultime moitié du siècle dernier. Genève, c'est surtout la résultante d'une partie qui s'est conclue sur un «pat» où il n'y eut pas de vainqueurs, avec le risque de voir les deux supergrands - l'un soutenant la rébellion (les Etats-Unis), l'autre apportant aide à Damas (la Russie) - se retrouver face à face. Ni Moscou ni Washington ne veulent arriver à cette extrémité qui serait désastreuse pour tous. Il fallait donc passer par les négociations, comme le suggérait d'ailleurs, dès les débuts du conflit, la Russie, mais rejetées par les Etats-Unis qui espéraient que les rebelles avaient la capacité de bouter le régime d'al Assad et son armée, l'une des mieux organisées du Moyen-Orient. D'autant plus que le coup de force occidental contre la Libye - mené par l'Otan et les forces coalisées occidentales, et financé par le Qatar et l'Arabie Saoudite - qui a déboulonné l'ancien guide libyen, Mouaâmar El Gueddafi, n'avait aucune chance de se reproduire en Syrie contre Bachar al Assad. C'est parce que la coalition occidentale - Etats-Unis, France, Grande-Bretagne en particulier - n'est pas parvenue à ses fins en neutralisant Bachar al Assad qu'elle a été contrainte de venir à Genève imposant toutefois ses conditions - en particulier la non-invitation de l'Iran - à la tenue de «Genève 2». Mais, de prime abord, cette conférence, avant même que de commencer, apparaît biaisée du fait que les soutiens à la rébellion seront présents en force au bord du Lac Léman contre la seule Russie qui tente de faire respecter les règles du jeu. C'est dans ce contexte que l'opposition syrienne a accepté de participer tout en posant ses «conditions» alors que sur le terrain, elle est laminée tant par les forces armées syriennes - qui ont repris la plupart des villes occupées par les rebelles - que par les jihadistes islamistes qui combattent autant le régime que l'opposition soutenue par l'Occident. Le responsable de ladite «Coalition nationale syrienne», Ahmad Jarba, est membre de la tribu bédouine des Chamar, dont le roi Abdallah d'Arabie est issu. C'est tout dire. Avant les événements, il avait été condamné pour trafic de drogue en Syrie et veut que Genève 2 ait comme seul et «unique but» celui de satisfaire les «demandes» de la «révolution» (...) et avant tout de «retirer au boucher tous ses pouvoirs». Rien que ça! M. Jarba, dont les troupes sont incapables de gagner la guerre sur le terrain, exige néanmoins le beurre et l'argent du beurre et sans doute d'avoir option sur la fermière, tant qu'il y est. Du coup, la question qui se pose est de savoir quelle est la représentativité de «l'opposition» syrienne alors qu'elle subit une véritable débâcle sur le terrain? D'autre part, comment cela se fait-il que l'opposition syrienne de l'intérieur (le Comité de coordination nationale pour les forces de changement démocratique-Ccnd) n'ait pas été invitée - en tant que telle - à la réunion de Genève? Une omission ou les «invitants» ont-ils jugé que les opposants syriens de l'intérieur - l'un de ses responsables, Qadri Jamil, n'est autre que l'ancien vice-Premier ministre (en 2012) - ne sont pas représentatifs? Interrogé en novembre 2013 par le quotidien londonien The Guardian, celui-ci affirma: «Ne laissons croire à personne que le régime dans sa forme actuelle se maintiendra. Pour de multiples raisons concrètes, s'en est fini du régime tel qu'il a existé. Pour réaliser nos réformes progressistes, nous avons besoin que l'Occident et tous ceux qui sont impliqués en Syrie arrêtent d'être sur notre dos.» Ce qui n'est pas du tout l'avis de Washington, ni Paris qui ne sont pas disposés à laisser les Syriens vider leur querelle entre eux. D'où le doute que Genève 2 soit réellement la solution!