La tension était palpable samedi au Caire où les commissariats ont été transformés en véritables bunkers au lendemain d'attentats meurtriers visant la police et alors que le pouvoir dirigé par les militaires comme l'opposition islamiste appellent à commémorer la révolte de 2011. Les attentats visant les forces de l'ordre se sont multipliés depuis que l'armée a destitué le 3 juillet l'islamiste Mohamed Morsi, seul président jamais élu démocratiquement en Egypte, et réprime dans le sang ses partisans. Quatre attentats à la bombe ont fait vendredi six morts dans la capitale et 14 personnes ont été tuées dans des manifestations pro-Morsi dans le reste du pays. Un groupe disant s'inspirer d'Al-Qaïda, Ansar Beit al-Maqdess, a revendiqué les attentats, comme il l'avait déjà fait ces derniers mois pour d'autres attaques. Or samedi, plusieurs cérémonies doivent marquer le troisième anniversaire de la révolte populaire qui emporta le régime de Hosni Moubarak dans la lignée des Printemps arabes. Les Frères musulmans, la confrérie de M. Morsi qui avait remporté toutes les élections depuis la chute de Moubarak, ont appelé à 18 jours de manifestations "pacifiques". Mais le gouvernement, dirigé de facto par l'armée, a prévenu qu'il matera avec "fermeté" toute "tentative de sabotage des cérémonies par les Frères musulmans", qu'il a décrétés "organisation terroristes" il y a quelques semaines. Depuis le 14 août, quand policiers et soldats ont tué plus de 700 manifestants pro-Morsi en un jour dans deux manifestations au Caire, plus d'un millier de protestataires islamistes ont péri et plusieurs milliers de Frères musulmans ont été emprisonnés, dont la quasi-totalité de leurs leaders. Ces derniers, à l'instar de M. Morsi en personne, sont jugés dans divers procès et encourent la peine de mort. Au Caire, policiers et soldats aux pieds de leurs tanks bloquaient samedi les principaux axes, dont l'emblématique place Tahrir, épicentre de la "Révolution du 25-Janvier" 2011. Au terme de 18 jours de manifestations émaillées de violences ayant coûté la vie à quelque 850 personnes, le plus peuplé des pays arabes mettait fin le 11 février 2011 à trente ans de pouvoir absolu de Hosni Moubarak, aujourd'hui jugé pour la mort de ces mêmes manifestants. Aussitôt après le départ du raïs, l'armée avait pris les rênes du pouvoir, avant de les remettre --16 mois plus tard-- à l'islamiste Mohamed Morsi élu en juin 2012. Mais un an jour pour jour après sa prestation de serment, des millions d'Egyptiens descendaient dans les rues pour exiger son départ, l'accusant de vouloir islamiser la société à marche forcée. Trois jours plus tard, le général Abdel Fattah al-Sissi, chef de l'armée, ministre de la Défense et désormais aussi vice-Premier ministre, annonçait la destitution et l'arrestation de M. Morsi. Aujourd'hui, le général Sissi, véritable homme fort d'Egypte, ne cache plus ses intentions d'être candidat à la présidentielle prévue cette année, mais recherche sans cesse une caution populaire. Son entourage estime qu'une participation massive des Egyptiens aux cérémonies de samedi en seraient une indication supplémentaire.