Les objectifs du président ne peuvent qu'avoir l'unanimité au sein de la population. «La réconciliation nationale est une quête permanente de notre peuple qui a douloureusement souffert tout au long d'une terrible décennie. Elle est aussi une nécessité pour panser les blessures profondes subies par notre pays. L'aboutissement de la réconciliation est une mission à laquelle j'ai oeuvré et par laquelle je renouvelle mon engagement devant le peuple.» Un extrait choisi du programme électoral du président Bouteflika. Dans ce programme, et pour la première fois, les Algériens ont eu droit à une définition plus ou moins explicite de cette réconciliation. L'on apprend à ce sujet que ce concept dépasse les simples énoncés de la violence terroriste et englobe «les rapports que les Algériens ont avec leur Etat» à travers le respect des droits et des libertés individuels et collectifs, la liberté d'expression, le soutien et le renforcement de la démocratie pluraliste, le respect des droits de l'homme le règlement définitif de la crise en Kabylie, la lutte contre la corruption et les autres maux sociaux. Sans oublier bien sûr le socle de cette politique qui est la lutte contre le terrorisme. Des objectifs, certes, qui ne peuvent qu'avoir l'unanimité au sein de la population. Qu'est-ce qui motive donc les réticences et le rejet catégorique de certaines classes politiques? Et pourquoi cette inquiétude enregistrée chez la population? Pour répondre à ces questions, il serait intéressant de puiser dans le discours et les positions de Bouteflika. Son projet pose sur le terrain un certain nombre de contradictions, lesquelles sont à l'origine des polémiques soulevées autour de ce sujet, à en croire les observateurs. En d'autres termes, la réconciliation telle qu'explicitée par le président dans ses différents discours, laisse planer une certaine tendance à imposer une vision des choses, ce qui ne cadre nullement avec les principes d'ouverture de dialogue et de concertation censés être la substance de ce projet ambitieux. Au plan pratique, Bouteflika pose certaines «exceptions» de taille. Sur le plan politique, Bouteflika plaide pour la liberté d'expression et le respect du multipartisme et des libertés individuelles et collectives, mais persiste à verrouiller l'espace audiovisuel, en tranchant catégoriquement contre l'ouverture de ce champ aux privés, sous prétexte d'éviter «l'expérience de la presse écrite». Pas question aussi d'agréer Wafa de Taleb Brahimi ou le FD de Ghozali. On refuse aussi l'agrément aux CLA et Cnapest, deux syndicats ayant démontré leur force de mobilisation lors de la dernière grève qui a paralysé les lycées pendant trois mois. Concernant la crise en Kabylie, le chef de l'Etat entend poursuivre par la voie de dialogue, le règlement définitif des séquelles des événements qui ont secoué la région, mais décide d'une manière unilatérale de passer la question de l'officialisation de tamazight par un référendum. Aucune décision concrète n'a été prise concernant la révision du code de la famille. Sur le plan économique, le spectre des privatisations persiste, l'Ugta contre vents et marées, continue d'être l'interlocuteur de prédilection du gouvernement. Dans le volet sécuritaire, il insiste sur le fait que cette réconciliation est loin d'être un chèque à blanc aux terroristes ou une grâce amnistiante. Il précise aussi que «le combat contre le terrorisme sera continué avec la même fermeté». Mais le dossier des disparus, jusqu'à aujourd'hui suspendu, complique les débats. Bouteflika a appelé à maintes reprises les familles des victimes à tourner la page. Mais ces dernières exigent toute la vérité sur la question.