Le ballet diplomatique enregistré dans la capitale libyenne est révélateur d'un regain de confiance sur fond d'intérêts économiques. Depuis la décision des Etats-Unis de lever l'embargo sur la Libye, après le dédommagement par Tripoli des victimes du crash de Lockerbie et l'ouverture de ses installations nucléaires aux inspections de l'Aiea, le guide de la révolution libyenne multiplie ces derniers jours déclarations et sorties publiques. Le ballet diplomatique enregistré dans la capitale libyenne est révélateur d'un regain de confiance sur fond d'intérêts économiques en direction de ce pays. Lors de son premier déplacement hors du continent africain ou des pays du Proche-Orient depuis 15 ans, Mouammar Kadhafi a déclaré, hier, lors d'un entretien avec le président de la Commission européenne, Romano Prodi, que la Libye veut être un «chef de file pour la paix» dans le monde. «Je voudrais déclarer (...) devant la Commission européenne que la Libye est déterminée et engagée à jouer un rôle de chef de file pour arriver à la paix dans le monde», a souligné M.Kadhafi lors d'une conférence de presse commune avec M.Prodi. Longtemps inscrite sur la liste des «Etats voyous», la Libye est devenue un Etat fréquentable, à la faveur des visites de Silvio Berlusconi et de Tony Blair et de la levée récemment des dernières sanctions commerciales par Washington. Côté européen, le ton est à la réconciliation à même de faire de la Libye, affirme Romano Prodi un «membre à part entière» du processus de Barcelone. Se montrant rassurant à l'égard de ses hôtes, le dirigeant libyen avait promis que les litiges en suspens entre l'UE et Tripoli, liés notamment à l'indemnisation des victimes d'un attentat contre une discothèque de Berlin en 1986 et à la détention de personnels médicaux étrangers en Libye, déboucheront «dans les prochaines semaines» sur «des solutions satisfaisantes». Kadhafi, qui a demandé que les pays détenteurs d'armes de destruction massive suivent l'exemple de son pays, en renonçant à leurs arsenaux, n'exprime en réalité que la crainte de se voir figurer sur le tableau de chasse de G.W. Bush, après, notamment, l'onde de choc irakienne, ayant débouché sur l'anéantissement du régime de Saddam Hussein. «Ma conviction est que l'étau va progressivement se resserrer sur ceux qui possèdent et utilisent de telles armes», a déclaré Saddam, citant, nommément, les Etats-Unis et la Chine. Grand producteur de pétrole dans le monde, la Libye sollicite Américains et Européens pour investir dans l'industrie et les hydrocarbures. «Nous avons besoin des compagnies européennes et des compagnies américaines pour améliorer et moderniser les gisements de gaz et de pétrole», affirme Kadhafi, Il s'est même permis au nom des pays du nord de l'Afrique de plaider pour une coopération entre l'UE et Tripoli dans le contrôle de l'immigration des pays d'Afrique noire, qui transitent par la Libye vers l'Europe. «Très franchement, les pays du nord de l'Afrique ne peuvent pas assurer la protection des frontières du sud de l'Europe», a-t-il estimé. La Libye qui projette de conclure un accord d'association avec l'Union européenne, au même titre que l'Algérie, la Tunisie et le Maroc, a beaucoup à faire sur le plan du respect des droits de l'homme. D'ailleurs, Le jour même de la visite de Kadhafi, Amnesty International a publié un rapport dénonçant la persistance des «abus des droits de l'Homme en Libye». La Libye qui a toujours voulu court-circuiter les pays arabes en matière d'initiatives de paix, en Irak, au Proche-Orient, n'hésite pas à jouer les trouble-fêtes. Son retrait du sommet de la Ligue arabe à Charm Cheikh, en Egypte, en pleine crise dans le golfe Persique, l'organisation du sommet de l'OUA de Syrte, juste après le 35e sommet d'Alger illustre parfaitement la «méthode» du leader libyen.