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Le Coran a pour objectif l'homme
«L'HOMME ET SES DROITS DANS LE CORAN» DE TAHAR GAID
Publié dans L'Expression le 05 - 02 - 2014

Tahar Gaïd avec Kwamé N'Krumah en 1964 à Accra (Ghana)
«Aussi souvent que nous le lisons (le Coran), au départ et à chaque fois, il nous repousse. Mais soudain il séduit, étonne et finit par forcer notre révérence. Son style, en harmonie avec son contenu et son objectif, est sévère, grandiose, terrible, à jamais sublime. Ainsi ce livre continuera d'exercer une forte influence sur les temps à venir.» Goethe
Lorsqu'on est en présence d'un homme de la trempe de Si Tahar Gaïd et que l'on soit obligé de le présenter aux gens ou de faire son portrait lors d'un hommage, que peut-on dire, rapidement, spontanément pour le qualifier? Pour ma part, je dirais que c'est un homme de culture, principalement, avant de le raconter en tant que militant-nationaliste et diplomate. D'ailleurs, lui-même se plaît dans ce rôle auquel il était prédestiné, du fait qu'il a baigné dans ce climat de culture, lorsque son père se trouvait dans l'enseignement et a eu de célèbres personnages comme élèves dont El Fodhil El Ourtilani. C'est de famille, assurément. Son frère également, Mouloud Gaïd, s'est fait remarquer dans l'écriture de l'histoire de nos ancêtres et a laissé des oeuvres importantes. Malika, sa soeur, elle aussi bien cultivée, a eu un autre destin. Elle a écrit son nom dans le registre des martyrs dans les rangs de l'ALN, pendant la glorieuse lutte de Libération nationale. Ainsi, aujourd'hui, Si Tahar ne parle plus ou très peu de son parcours de moudjahid auprès de Abane Ramdane et autres dirigeants, de fondateur de l'Ugta avec Bourouiba et Aïssat Idir, de ses années d'incarcération dans les geôles de Berrouaghia, Bossuet, Paul Cazelles, Saint-Leu, Barberousse, de ses importantes missions, après l'indépendance, en tant qu'ambassadeur au Ghana et en Tanzanie, couvrant pratiquement toute l'Afrique australe. C'est du passé - affirme-t-il - qui l'honore certes et qui lui rappelle de bons souvenirs qui l'enorgueillissent, mais qu'il ne ressasse pas outre mesure et n'en fait pas un registre du commerce, comme d'aucuns, qui n'ont rien d'autres à dérouler. Pour lui, la culture c'est quelque chose qui reste chez l'homme lorsqu'il a tout oublié.
Si Tahar, calme, serein, avenant, circonspect et souriant, vous reçoit chez lui, dans un décor apaisant où les livres, les bibelots de grande valeur et les tableaux de maîtres l'emportent sur le faste d'un ameublement excentrique que certains arborent, malheureusement, dans un esprit de parvenu. Chez lui, dans son «home» accueillant, plein de chaleur, où une bibliothèque bien fournie fait office d'université, selon l'idée judicieuse de Thomas Carlyle, historien écossais, qui disait: «La véritable université de nos jours est une collection de livres», Si Tahar se plaît à vous entretenir du dernier ouvrage qui paraît chez l'éditeur untel, ou de la conférence dans laquelle il explique, par exemple, la relation entre la spiritualité islamique et le monde contemporain. Il est constamment sur la brèche, il ne s'arrête pas d'expliquer, de rectifier, d'orienter et d'apporter son grain de sel en rebondissant toujours sur des questions qu'il maîtrise bien, souvent à la perfection.
Concepteur de travaux didactiques de haute facture
On est toujours content quand on le rencontre. D'abord parce que c'est un ancien élève de la performante Médersa «Etha'alibiya» d'Alger, ensuite parce que c'est un puits de science et, avec lui, on en sort constamment édifié après des discussions passionnées, qui vous arrêtent et vous absorbent sur nombre de sujets. Si Tahar est incontestablement un érudit. Il est plutôt un «miracle divin dans sa contribution», quand il persévère dans l'interprétation du Livre saint, réfutant avec une certaine dextérité, sans choquer quiconque, cette épithète d'islamologue qui lui colle à la peau. En effet, cet enfant de Timengache, dans le pays des Béni Yala, en Basse-Kabylie, qui a fait de solides études à Constantine, ensuite à la Médersa d'Alger, aux côtés des Smaïl Hamdani, Boualem Bessaïeh, Mohamed Sahnoun, Lakhdar Brahimi, et autres dont Abderrahmane Benhamida, qui furent ambassadeurs, ministres et même un chef de gouvernement parmi eux, s'est spécialisé dans l'explication du droit musulman et sur les prodigieuses études sociétales faites par les grands de ce monde à l'image d'Ibn Khaldoun. Sa parfaite pédagogie et ses vastes connaissances dans le domaine de la religion l'ont mené à concevoir des travaux didactiques de haute facture qui servent, incontestablement, à élucider des questions épineuses, au vu des différentes crises, morales ou autres, qui secouent le monde d'aujourd'hui et des alternatives possibles que peut apporter la spiritualité. Ses écrits, bien pensés, à travers une production intellectuelle prolifique, ouvrent «des pistes de réflexion qui, si elles ne sont pas inédites, ont été très peu prospectées», comme l'écrivait si bien Fodhil Belloul.
C'est ainsi que la vision de Si Tahar Gaïd sur l'Islam actuel et son destin au regard de sa condition aux mains de certaines gens insignifiants qui ont fait dans le discours emphatique plutôt que sérieux, est de militer, selon ses propres termes, «pour sortir la religion des fausses interprétations que certains apprentis sorciers veulent lui donner, car ce qui nous manque encore aujourd'hui, ce sont d'authentiques penseurs, des théologiens avérés». Oui, il milite durement car le retard de la pensée islamique est là, et il nous défie. «J'en appelle à la libération des énergies qui doivent se décomplexer, dit-il, en dépoussiérant la notion d'islamisme et en la remettant sur ses véritables rails.» Pour lui, le devoir des intellectuels musulmans est de définir le pourquoi du mouvement de la pensée, de préciser ce que nous sommes réellement et enfin de savoir nous démarquer du monde occidental, tout en nous insérant dans la sphère de la création universelle.
Son dernier-né: «L'homme et ses droits dans le Coran»
N'est-ce pas qu'au vu de la situation dans laquelle végète l'Islam, et qui n'est pas dans la trajectoire du progrès, Si Tahar Gaïd a pris le taureau par les cornes - comme à son habitude - et s'est inscrit en droite ligne de l'apôtre conscient pour apporter ses convictions de l'éducateur au sein d'une société qui a beaucoup à apprendre? Son dernier-né, «L'homme et ses droits dans le Coran», qui vient s'ajouter à sa production littéraire, déjà très abondante et riche de par son contenu, poursuit deux objectifs. Il les résume ainsi. Le premier démontre que les principes qui nous viennent de l'Occident glorifiant leur civilisation et leurs réalisations juridiques constituent en réalité l'abécédaire de l'Islam et sont contenus dans le Coran depuis plus de quatorze siècles. Le deuxième attire l'attention des musulmans sur le contenu de leur Livre sacré en matière de valeurs relatives aux droits de l'homme pour qu'ils prennent conscience de leur portée véritable.
En réalité, l'ouvrage est une mine d'or pour celui qui veut s'enrichir. Mais de quoi, principalement? ose dire celui qui veut aller très loin dans la compréhension. De ces «valeurs qui clarifient les droits établis pour chaque homme musulman ou non, et qui développent leur contenu dans les différents domaines religieux, politique, social ou économique», nous répond l'auteur, convaincu de la justesse de ses idées. Toutes ces valeurs sont consignées dans cinq grands chapitres bien fournis où se bousculent les informations rarement présentées ou, comme expliqué auparavant, «très peu prospectées». Si Tahar Gaïd qui a le mérite d'aller dans les profondeurs de l'exégèse - ses nombreuses oeuvres agencées de sérieuses références en témoignent - nous présente, dans cette nouvelle livraison, un travail didactique où le lecteur peut déambuler entre différents sujets, allant de la réflexion sur le Coran, jusqu'au droit à la justice et son instauration pour une société juste et humaine. Ainsi, dans ce foisonnement d'idées, judicieusement posées, l'auteur va expliquer ce bel Islam, en utilisant toutes les facettes du langage direct pour développer, convaincre et transmettre des messages qui génèrent chez les gens des réflexes nouveaux pouvant conduire vers d'autres horizons, autrement plus ouverts. Et la matière existe dans «L'homme et ses droits dans le Coran». Elle s'étale donc à travers les points qui retiennent l'attention et qui sont principalement: la relation entre la foi et la politique, l'Islam et la laïcité, l'Etat de droit et la civilisation, la liberté en Islam, le droit à la liberté religieuse, le droit à la liberté d'opinion et d'expression, le pluralisme politique, la longue lutte du Coran contre le despotisme et les despotes, enfin et sans être exhaustif, le droit à l'exercice de la concertation (shûra), la liberté et la démocratie.
Le Coran, une incitation à penser et à agir en pleine responsabilité
N'est-ce pas une grande révolution multidimensionnelle, celle qui nous vient du Coran..., et qui atteint tous les aspects de la vie de l'homme? En effet, le Livre saint, explique Si Tahar Gaïd, «a élevé l'homme au niveau qui correspond à l'honneur, au respect et à la dignité qui lui sont dus...». C'est pour cela que dans cet ouvrage, tout est pris en considération, notamment ces questions pertinentes et ces sujets, quelquefois tabous, qui ont soulevé de grandes polémiques au sein des sociétés musulmanes. L'auteur ne parle pas de pratiques cultuelles, mais s'adresse directement à l'intelligence, en lui offrant la conception du bel Islam, celui qui a pu, en un laps de temps très court, conquérir de vastes contrées dans le monde, par la persuasion de son message de paix et de progrès.
Pour cette question principalement, l'auteur avertit au début de l'ouvrage, par un rappel qui peut orienter le lecteur vers plus d'intellection. Il insiste pour dire que «ce livre porte sur la doctrine de l'Islam et non pas sur sa pratique car, comme nous le savons, les violations des droits de l'homme se produisent couramment dans les pays islamiques. Il en est de même, en raison d'un héritage ancien, des discriminations sexistes qui définissent la relation homme-femme [...] A cela s'ajoute, dans nombre de pays arabes et musulmans, l'absence de liberté de conscience, d'opinion et d'expression, pourtant reconnue par le Coran».
Et qui va le contredire franchement quand cet Homme, bien instruit des «choses de l'Islam», ayant côtoyé les grands maîtres de la théologie, va à l'encontre d'une situation déprimante, montrant une religion ballottée entre l'incompréhension et l'exercice suranné de bon nombre de pratiquants. Si Tahar Gaïd vient avec son oeuvre sur le Coran, miracle de l'Islam dans sa phase ultime, nous instruire de ses bienfaits. Alors, il nous rappelle ce qui nous intéresse, aujourd'hui, dans cette Ecriture, indépendamment bien sûr de ses grandes orientations dans tous les domaines de la vie. Il nous fait la démonstration de la logique de ce Livre qui nous incite à penser et à agir en pleine responsabilité concernant ces questions récurrentes que se pose notre monde en manque de liberté et de démocratie.
L'auteur répond dans l'objectivité qui est sienne. Et, d'emblée, il nous situe dans une dialectique, on ne peut plus raisonnable, quand il nous affirme que dans le Coran, «le concept de la liberté tourne autour d'un axe fondamental qui est l'exercice, sans contrainte, des choix et des vouloirs de l'homme». Qu'il est noble cet Islam, s'écriera celui qui, pour la première fois, entend de si belles paroles! Mais on ne restera pas sur notre faim avec Si Tahar Gaïd qui enchaîne aussitôt sur la liberté de conscience, contenue dans le Coran, en disant «que l'homme ne doit pas être privé de son droit de choisir la voie à laquelle le fait parvenir sa réflexion et dans laquelle son âme se sent rassérénée...». La liberté d'opinion est elle aussi définie pour élever l'homme au rang qui lui est dû. Et l'auteur insiste sur cet aspect en rappelant qu'«en Islam, il est libre de son opinion construite sur la base de sa réflexion personnelle, sans subordination ou imitation de quelqu'un. Il lui appartient d'exprimer ses idées selon la forme qu'il veut, aussi longtemps qu'elles ne nuisent pas à la société.»
Enfin, l'auteur, comme signalé auparavant, n'a pas omis d'élucider, pour nous les présenter, cette relation entre la liberté et la démocratie, de même que celle entre la liberté religieuse et l'apostasie. Pour les deux relations, il a été chercher dans tous les versets pour se présenter aux lecteurs avec des affirmations qui les édifient sur la pertinence de l'esprit du Livre saint qui, venant de l'Omniscient, réserve une place importante aux droits de l'homme.
Si Tahar Gaïd, par cet ouvrage démontre, encore une fois, à ses lecteurs, qu'il ne fait pas dans la fadaise, mais toujours dans le consistant comme il les a toujours habitués. Quant à nous, pour être francs avec lui, nous lui disons qu'on ne peut aller plus loin dans la présentation de cet ouvrage, tant il est difficile de résumer un monument de cette grandeur. Si Tahar Gaïd est tellement fécond dans ses idées, riche et profond dans ses interprétations qu'il est quasiment difficile de tout dire sur lui par rapport à l'espace qui nous est imparti. En tout cas, une seule recommandation est à faire pour ce travail intéressant: lisez vite «L'homme et ses droits dans le Coran», et vous saurez ce qu'est le bel Islam.
*Auteur
«L'homme et ses droits dans le Coran» Tahar Gaïd, 296 pages Samar, Editions Octobre 2013


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