Bouteflika met le holà Quelles que soient les responsabilités, le chef de l'Etat souligne que personne ne peut porter atteinte aux institutions de souveraineté. Intransigeante et inattendue, la sortie du président de la République, plus qu'un rappel à l'ordre, sonne comme un avertissement. Devant la crise politique qui secoue les institutions du pays, Bouteflika met le holà. Dans un message de condoléances qu'il a adressé mardi dernier au vice-ministre de la Défense et chef de l'état-major, suite au crash qui a fait 77 morts, le chef de l'Etat est sorti de sa réserve pour remettre les pendules à l'heure. «Nul n'est en droit de s'en prendre à l'Armée nationale populaire (ANP) et aux autres institutions constitutionnelles», a-t-il martelé en faisant allusion à cette crise. Le message est clair, net et précis. Quelles que soient les responsabilités, le chef de l'Etat souligne que personne ne peut porter atteinte aux institutions de souveraineté. Autrement dit, le président rappelle à l'ordre l'initiateur de cette crise en le sommant de garder le silence. Pour lui, on ne joue pas avec la souveraineté du pays. Si le président a saisi le drame du crash pour revenir sur cette polémique, c'est que les choses sont allées trop loin jusqu'à fragiliser l'image de l'Etat. Lui-même le reconnaît en affirmant que le pays n'a jamais connu un tel acharnement depuis l'indépendance. «Nous sommes certes habitués à des dépassements émanant de certains milieux à l'approche de chaque échéance, mais cette fois-ci, l'acharnement a pris une ampleur telle que notre pays n'a jamais connue depuis l'indépendance allant jusqu'à tenter de porter atteinte à l'unité de l'Armée nationale populaire ainsi qu'à la stabilité du pays et à son image dans le concert des nations», a relevé le président de la République. Des propos qui démontrent l'ampleur des dégâts causés par Saâdani. Pour mettre un terme à cette mascarade qui embourbe le pays dans un conflit interne, le chef de l'Etat a lancé des mises en garde non voilées à l'adresse de la classe politique pour dire attention aux dérapages. La conjoncture est assez sensible et il ne faut pas rajouter de l'huile sur le feu. La déclaration du président est venue apaiser l'atmosphère délétère et électrique créée par les attaques du secrétaire général du parti majoritaire contre le patron du département du renseignement et de la sécurité. A deux mois de la présidentielle, Bouteflika veut créer un climat serein marqué par l'échange des idées et la concurrence loyale entre les candidats. La sortie fracassante de Saâdani a choqué plus d'un en provoquant un climat d'inquiétude et d'incertitude à deux mois du rendez-vous de la présidentielle. Les observateurs de la scène politique parlent de séisme politique. Jamais l'armée n'a été offensée et touchée dans sa dignité. Une attaque qui a révolté la classe politique et la société civile. Des personnalités politiques, des anciens généraux à la retraite, des partis et des associations ont, à l'unanimité, dénoncé l'acharnement de Saâdani contre l'institution militaire. La secrétaire générale du Parti des travailleurs (PT), Louisa Hanoune, a dénoncé énergiquement les propos «gravissimes» de Saâdani, qualifiés de «dérive dangereuse» pour le pays. Pour la candidate à l'élection présidentielle, le chef controversé du FLN a bien exposé l'Algérie à tous les périls venant de l'intérieur comme de l'extérieur. «Nous sommes dans un contexte de guerre et je ne fais pas référence de ce qui se passe à l'étranger et dans les pays voisins, mais à ce qui se trame à l'intérieur du pays», estime-t-elle, invitant le chef de l'Etat «à mettre fin aux rumeurs assassines, car personne n'a le droit de mettre en danger l'unité et l'existence de l'Etat, quels que soient la qualité de l'auteur et son poste de responsabilité, qu'il soit civil ou militaire». «La situation politique ne tolère pas davantage de provocations», a-t-elle souligné. Louisa Hanoune craint ainsi pour l'avenir du pays qui «traverse la plus grave crise politique de son histoire, une crise plus grave que celle de l'été 1962, car ce sont l'intégrité et la stabilité de l'Etat-nation qui sont cette fois visées».