«Le dossier que je viens de déposer est hallal. Toutes les pièces le constituant ne souffrent d'aucune falsification» Ali Benflis a remis hier son dossier de candidature au Conseil constitutionnel où il a improvisé un point de presse. C'est un Ali Benflis à la fois rassuré par l'issue de l'élection présidentielle du 17 avril prochain et révolté par «le début de la fraude» qui s'est présenté, hier, au Conseil constitutionnel pour déposer son dossier de candidature. A sa sortie du bureau de M.Mourad Medelci, il a trouvé toutes les conditions pour passer à l'acte. Quelles conditions? Des dizaines de journalistes l'attendaient avec des questions toutes plus brûlantes les unes que les autres. A l'extérieur, des dizaines de ses partisans se sont rassemblés, brandissant ses portraits et scandant son nom. Quoi de plus pour rêver à la victoire. D'emblée, il hausse le ton en lançant des mises en garde à peine, à l'égard des responsables des institutions de l'Etat, de l'administration et du Conseil constitutionnel lui-même. Il rappelle à chaque partie le rôle qui est le sien, afin de garantir une élection libre et transparente. Mais avant d'entamer son intervention devant les journalistes, l'ancien chef de gouvernement, en politique rodé, fait cette précision: «Le dossier que je viens de déposer est hallal. Toutes les pièces le constituant ne souffrent d'aucune falsification.» Clean, il a voulu l'être jusqu'au bout. Il appelle, ensuite, toutes les institutions concernées par l'élection à assumer leurs responsabilités dans l'organisation du scrutin, devant le peuple et l'Histoire. «Le Conseil constitutionnel, a-t-il dit, a une grande mission à accomplir en matière de suivi et de contrôle de l'opération électorale, pour assurer une compétition transparente.» Accusant l'administration d'avoir commencé la fraude électorale en utilisant au détriment des citoyens, les registres de l'état civil pour signer les formulaires d'«un seul candidat», M.Benflis a indiqué que «l'administration ne doit pas s'immiscer dans le scrutin pour confisquer la volonté populaire». «Si la justice était indépendante estime-t-il des milliers de plaintes seraient déposées contre les auteurs de ces actes». Tel n'étant pas le cas, l'orateur compte sur la mobilisation des citoyens pour faire barrage à la fraude et protéger leurs voix, le jour du scrutin. Il explique, dans ce contexte, qu'aucun candidat ne peut s'arroger le droit de mettre l'administration à son service pour bourrer les urnes. L'ancien candidat à la présidentielle de 2004, met également l'Etat devant ses responsabilités, en lui demandant d'organiser un «scrutin propre». Mais aussi les électeurs qui doivent, selon lui, empêcher «le détournement du vote», en veillant à ce que leurs voix ne soient pas «volées». Pour l'ancien chef de gouvernement, le scrutin du 17 avril met le pays, qui est à la croisée des chemins, devant deux choix: sortir ou approfondir sa crise. «Le scrutin peut être, si le peuple se mobilise et va aux bureaux de vote en force, la première phase de sortie de la crise dangereuse où s'est engouffrée l'Algérie depuis 25 ans. Il pourra être, par contre, une phase d'approfondissement de cette crise si rien n'est fait», a-t-il dit. A ses yeux, seule la fraude électorale peut compromettre le premier choix. D'ailleurs ne dénonce-t-il pas le début? «On constate déjà des agissements et des dépassements de bas étage qui jettent le discrédit sur cette élection», a-t-il dénoncé avec force, tout en souhaitant que le scrutin se déroulera, en fin de compte, dans la transparence, à même de consacrer l'alternance pacifique au pouvoir. Affirmant sa compréhension des positions des partisans du boycott, selon lui, «révoltés par les attitudes de mépris, d'arrogance, de viol de leur conscience et de confiscation de leur volonté», Ali Benflis expliquera, toutefois, que ce choix ouvrira les portes aux «voleurs des voix» et aux fraudeurs. Il en appelle donc à la conscience des électeurs pour qu'ils veillent à ce que leurs voix ne soient pas détournées. «Le peuple qui a fait la révolution du 1er Novembre 1954 n'acceptera pas que sa volonté soit confisquée aujourd'hui. Il n'acceptera pas, non plus, que ses voix soient l'objet de vol, de détournement et de pillage», a-t-il soutenu. Des déclarations qui s'apparentent à des menaces à peine voilées contre toute tentative de fraude, annonçant une compétition impitoyable entre lui et son principal rival, Abdelaziz Bouteflika dont la popularité reste incontestable. Pour ceux qui l'ont suivi hier, sa sortie ne peut être sans effet, bien que le pari de battre Bouteflika ne sera pas, de l'avis unanime des observateurs, facile à réaliser.