«Si tu as de nombreuses richesses donne ton bien; si tu possèdes peu, donne ton coeur.» Proverbe marocain Après une mûre réflexion et des essais filmiques culturels et sociaux, la réalisatrice franco-marocaine Laïla Marrakchi s'apprête à s'attaquer à un sujet politique compliqué: un film sur le général Oufkir. Après son premier film Marock qui avait provoqué une vaste polémique en 2005 en mettant en boîte une histoire d'amour entre un juif et une musulmane marocaine, la bourgeoise à la caméra s'intéresse au général Mohamed Oufkir, qui avait tenté un putsch contre le roi Hassan II. Mais le projet est faisable. Le roi actuel Mohammed VI n'est pas réfractaire à l'idée et serait même curieux de la voir aboutir. D'autant que le film s'inspire de l'autobiographie intitulée La prisonnière de la fille aînée du général Oufkir, Malika. Le projet est audacieux de la part de cette jeune cinéaste qui a osé aborder un thème qui demeure très sensible et politiquement incorrect. Malika Oufkir avait cinq ans quand elle a été adoptée par le roi Mohammed V (père de Hassan II) pour être élevée avec la princesse Lalla Amina. Comme le veut la coutume, elle est abritée dans le Palais royal de Rabat. Elle est élevée comme une princesse de sang royal. Adolescente, elle laissera le souvenir d'une jeune fille gâtée (escorte militaire lors de ses déplacements en ville, insolence, voire violence envers les agents de sécurité). Après avoir tenté un coup d'Etat en 1972, son père, le général Oufkir fut arrêté et exécuté. À la suite de la constatation du cadavre du général Oufkir, la contestation est ouverte de la thèse avançant le suicide du général, ainsi que du refus de l'aide royale: Fatéma et ses six enfants furent envoyés sans jugement dans une prison secrète dans le désert du Sahara, dans des conditions extrêmement dures. Malika Oufkir et sa famille passèrent en tout 19 années en détention. L'évasion de Malika avec une de ses soeurs et ses deux frères réussit à alerter les autorités françaises. Cela permit à sa mère et au reste de la fratrie d'être relâchés. Elle fut, malgré tout, assignée à résidence à Marrakech pendant cinq ans supplémentaires avant que l'évasion d'une de ses soeurs vers la France alertat l'opinion publique internationale et permit enfin à la famille de quitter le Maroc. Malika Oufkir a publié le récit de sa vie en prison avec l'écrivaine française Michèle Fitoussi. Sa mère Fatéma y a fait écho dans un livre plus apaisé, mais intéressant pour l'étude historique qui y est (involontairement) faite du régime et de ses dirigeants. Reste à savoir comment sera présenté le Roi Hassan II, dans cette affaire. La réalisatrice va-t-elle s'attarder sur la détention ou le coup d'Etat? Laïla Marrakchi garde secrètement l'info même si elle a acquis les droits du livre de Stephen Smith, Oufkir le destin marocain et démenti l'information d'un projet de film. En réalité, elle est à la recherche de financement et pourrait le tourner en Espagne, avec une figuration marocaine. Si le projet est réalisé, d'autres films marocains sur cette période noire du Maroc seront à ce moment-là attaqués, comme la Chambre noire de Hassan Benjelloun, Jawhara de Saâd Chraïbi ou encore Mémoire en détention de Jilali Ferhati... mais également des personnages politiques qui ont marqué l'histoire du Maroc et noirci le bilan de Hassan II, comme Dlimi, Ben Barka ou Brahim Serfaty. [email protected]