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Basri, le Sahara occidental et l'Algérie
Portrait d'un homme de réseaux
Publié dans Liberté le 04 - 09 - 2007

“Il faut rédiger tes mémoires marocaines”, me suggèrent, depuis plusieurs années que j'ai quitté le Maroc, beaucoup de mes amis. Il y a, me recommande-t-on, une espèce de devoir pédagogique de vérité à une époque où on raconte n'importe quoi sur les relations algéro-marocaines. Le projet est intéressant, mais par où commencer ? Dans cette histoire mouvementée et féconde en même temps, la précision est, au moins autant que la sagesse, une donnée importante, notamment devant l'apparition d'une sémantique nouvelle qui s'est faite à un rythme si rapide et a transformé tant d'espaces abstraits, le tout en entrecroisant toutes les variables historiques, politiques et médiatiques, qu'aucun des observateurs qualifiés ne put vraiment rendre compte. En tout cas, commencer par donner mon point de vue sur Driss Basri, le “fidèle serviteur” du roi Hassan II, comme il aimait lui-même se présenter, peut être considérer comme logique, contextuellement parlant. Parler de Driss Basri, l'inamovible ministre de l'Intérieur du roi Hassan II, c'est se risquer à répéter ce qui a été dit par Jean-Pierre Tuquoi, Ignace Dalle, Gilles Perrault, pour ne citer que ces auteurs-là. C'est aussi prendre le risque de le redire avec des simplifications. C'est en fait rechercher dans la connaissance de l'espace marocain les mêmes arguments que nous ambitionnons dans la connaissance de la culture, voire celle des hommes et des choses.
Aucune ambition démesurée de notre part pour donner des leçons ou prétendre apporter la vérité. Nous usons des faits, loin de tout triomphalisme désordonné, pour tenter de saisir la personnalité d'un homme de réseaux, formé à l'école du redoutable général Mohamed Oufkir, et du non moins redoutable général Ahmed Dlimi, ses deux prédécesseurs au ministère de l'Intérieur, avec l'ambition historique d'approfondir la connaissance d'un homme issu d'un milieu modeste, qui a gravi tous les échelons pour devenir la clé de voûte du système instauré par Hassan II.
Signes annonciateurs d'un déclin et début d'un système nouveau
L'année 1999, qui coïncida avec l'arrivée sur le trône du roi Mohammed VI, se déroule sans aucun événement notable. Mais quelques mois avant le départ de Driss Basri, notamment avec le limogeage de Mohamed Azmi, le poulain de Basri, chargé des relations avec la Minurso, et le retour de Abraham Serfaty, rendu célèbre pour ses positions anti-Basri, le roi marocain impose ses orientations et montre qu'il reste “le maître du nouveau système”. Ces faits sonnent comme un véritable camouflet. C'est, finalement, le 9 novembre 1999 que Driss Basri est convoqué au palais royal de Marrakech, non sans gaieté de cœur, car Ahmed El-Midaoui, dont il aura été le prédécesseur a multiplié les attaques à son encontre, avant même son remplacement. En dépit du cordon du Wissam El-Arch que lui décerna le roi Mohammed VI, au moment de son départ du gouvernement, Basri savait depuis lors que sa traversée du désert ne faisait que commencer. Et qu'à cet effet, il était toujours prêt à la taquinerie devenue rituelle de certains militants des droits de l'Homme et de certains universitaires qui signèrent une pétition pour réclamer son départ de l'université Mohammed V, où il a exercé en qualité de professeur de droit, après son limogeage.
L'homme de confiance de Hassan II a fait parler de lui de 1999 à 2007
Cet originaire de la ville de Settat aura incontestablement mobilisé l'attention des médias, de novembre 1999 à août 2007, soit sept ans depuis l'intronisation du roi Mohammed VI. Les propos échangés dans la presse, qui en a fait l'événement et suivi ses moindres faits et gestes, étaient des signes forts du début d'une grande escalade. L'affaire Slimani-Laâfoura, deux parmi les plus fidèles de l'ancien ministre de l'Intérieur, éclate et le nom de Driss Basri est ramené au-devant de la scène politique et médiatique. Ceux qui lui sont les plus opposés, pour des raisons diverses, ont fait alors en sorte de commencer par petites doses, de manière à déclencher des réactions hostiles. Les attaques portent plus précisément sur son passé, sur son rôle dans les évènements de Casablanca en juillet 1981, et de Fès en décembre 1990, et surtout sur la proximité trop voyante de certains éléments de ses réseaux qu'il a construits au fil des ans dans la technostructure et dans les milieux économiques. Cette atmosphère ne convenait pas à son tempérament, féru de contact et d'action, qui ne se fixe sur une option qu'après avoir systématiquement cogité toutes les contradictions et les antagonismes possibles et imaginables.
Le procès de l'ère Hassan II
Dans cette phase transitoire, intense sur le plan émotionnel et amèrement vécue par la famille Basri, notamment sa femme et son fils aîné, son successeur, fortement motivé par la chasse aux sorcières, avait fait connaître sa “feuille de route”. La plupart des stéréotypes diabolisant Basri s'étaient peu à peu alignés dans les grandes manchettes. Des interprétations polémiques le soupçonnent d'être un affidé du prince rouge, animé de motivations politiques. Ces attaques le mettent utilement sur ses gardes. Pour quelqu'un qui a du caractère et de la conviction, il sait que le début des hostilités avec l'establishment ne devrait pas l'empêcher de voir aussi les risques et les implications. Il connaît bien les rouages de l'administration marocaine de ces trente dernières années. C'est dans ce sens que Basri interprète cette escalade comme un signe sonnant le glas de sa toute puissance dans le monde des réseaux qui se sont distendus et il vivait amèrement l'isolement, car peu de personnes influentes le fréquentaient à Rabat. Ce consensus anti-Basri, faussement spontané, résulte, semble-t-il, du suivisme des médias vis-à-vis de la politique officielle et aussi par l'idéologie qui anime nombre de ces journalistes-militants. D'ailleurs, dans une de ses conclusions, Ignace Dalle évoque d'une manière pertinente ce “suivisme”. Selon des journalistes, venus l'interviewer à Rabat, dans le cadre d'un dossier spécial consacré au Maroc, Basri a été très aimable. Il les a reçus à sa résidence avec une extrême attention. Sa culture est savante, ses commentaires sont précis et le fil de son propos rapide et direct, ont-ils dit, car Driss Basri aimait comme à son accoutumée être toujours orienté vers les faits. En 2004, quittant le Maroc pour la France, où il devait officiellement se faire soigner, Driss Basri prolonge son séjour dans la capitale française. Entre les médias et lui, une affaire de courtisanerie qui fonctionne dans les deux sens. À Paris, où il a séjourné, a-t-on dit, sans documents de résidence légale, l'ancien ministre de l'Intérieur n'hésitait pas à offrir son profil à l'œil d'une caméra espiègle. Alors, s'en est suivie une “sortie médiatique” que d'aucuns ont qualifié de “fracassante”. Pourquoi ce choix ? C'est la question que se sont posés bon nombre de journalistes, peu informés des réalités politiques du Maroc. Ce qu'on lui reproche le plus, c'est d'avoir brisé le silence, au point de rompre avec le monde des réseaux dans toute sa profondeur, créant ainsi un unanimisme contre lui. Et c'est à Paris qu'il en a mesuré les effets. Et pour cause, l'ancien homme fort du régime de Hassan II est sorti du mutisme médiatique, qui le caractérisait pendant de longues années, en multipliant les interviews et les déclarations accordées à des journaux et chaînes télévisées au Maroc, en France, en Espagne, en Algérie et dans beaucoup d'autres pays.
“Le Sahara occidental au lieu du Sahara marocain”
L'ex-ministre d'Etat à l'Intérieur a procédé à un grand déballage. À chaque entretien, c'était la même orientation. “Je suis une victime”. Toutefois, l'on retient des multiples sorties médiatiques de Driss Basri trois choses essentielles. La première est que l'homme n'avait plus de passeport. Mais il se baladait d'un pays européen à un autre sans aucun problème. Dans le même sillage, le bras droit de Hassan II crie à qui veut l'entendre qu'il possède à peine de quoi subvenir à ses besoins. En fait, le message que Driss Basri voulait transmettre, c'est qu'il n'a bâti aucune fortune personnelle après 30 ans au pouvoir. Deuxièmement, Driss Basri a adopté une position qui a irrité le Maroc officiel concernant l'affaire du Sahara. En parlant de “Sahara occidental” au lieu de “Sahara marocain”, en qualifiant les responsables algériens de frères et en considérant le président Abdelaziz Bouteflika d'homme d'Etat et de visionnaire, ces épithètes lui ont fait franchir le Rubicon. Interrogé par le Dr Fayçal Al-Kacim, de la chaîne Al-Jazzera, sur la tension existant entre le Maroc et l'Algérie, Basri a répondu qu'il n'existe aucune tension entre les deux pays et que tout n'est qu'une invention des médias. Dans un entretien fort intéressant, publié par un quotidien marocain, le politologue et universitaire Abdellatif Aguenouch montrait bien que “l'essentiel peut se résumer ainsi : le changement, si changement il y a, consiste uniquement à partager les rôles”. Si on retient cette hypothèse, Driss Basri ressemblerait beaucoup plus à un porte-manteau sur lequel on voulait suspendre tout “le linge sale”. Par trois fois, Driss Basri s'est livré à l'exercice de l'interview télévisuelle. À sa manière, “excessive et provocatrice”, selon une analyse qui lui a été consacrée par un journaliste marocain. L'homme d'Etat, hier réservé, s'est transformé en une “véritable bête médiatique”, “une machine à déclarations”, répétitives, mais significatives. L'homme a réussi un coup médiatique peu courant. En moins de 10 jours, trois interviews ont été accordées à plusieurs équipes de télévision internationales. Il a ainsi occupé, à quelques soirées d'intervalle, les écrans d'Al-Hurra, Al-Jazzera et Al-Arabiya. Pour la première fois, l'homme a joué le jeu jusqu'au bout en se livrant à l'exercice des questions-réponses.
Certains assimilent les sorties médiatiques de Driss Basri à “un petit jeu” (sic). “Lors des trois interviews, remarque un analyste, les journalistes n'ont pas pu confronter Driss Basri à des preuves concrètes, n'ont pas filmé des déclarations qui l'accusent. Ce qui lui a laissé le champ libre pour défier ses protagonistes et passer pour celui qui n'a peur de rien, ou du fidèle exécuteur qui n'a rien à se reprocher”.
Pour cet analyste, “la piste la plus probable serait de se protéger des affaires de corruption et de détournement qui menacent toute sa famille”.
Dans toutes ses déclarations, Driss Basri rappelle qu'il a été le bras droit du roi, cite Hassan II à tout bout de champ et évoque les largesses dont lui et sa famille ont bénéficié. Ce qui laisse croire, selon de nombreux observateurs, que l'homme maîtrisait parfaitement l'espace qu'on lui a réservé. Pour ce qui est du fond, certains n'ont pas manqué à assimiler ces déclarations comme les subdivisions d'une “véritable stratégie de brouillage à grande échelle”. D'ailleurs, il s'est directement adressé au roi pour lui demander “de faire cesser les attaques dont il était victime depuis un moment”. “Sinon, semble-t-il alerté, je vais tout lâcher”. Une autre tendance montrerait une volonté sournoise de faire le procès de l'ère de Hassan II, tout particulièrement celui de ce qui est appelé son bras droit, Driss Basri, passé à l'opposition. S'agissant de l'affaire du Sahara occidental et de la position algérienne, l'ex-ministre de l'Intérieur a répondu que ce conflit est actuellement soumis au Conseil de sécurité évitant ainsi de livrer un commentaire. Une attitude sage de la part d'un homme considéré comme l'un des meilleurs connaisseurs du dossier, puisqu'il en était le gestionnaire exclusif durant plus de deux décennies. Driss Basri savait d'expérience que la pratique politique au Maroc obéit à des réalités totalement différentes sur le plan historique, symbolique et médiatique, qui servent d'avertissement. De ce fait, il mesurait mieux que quiconque les limites à ne pas dépasser dans le traitement de la question du Sahara, considérée dans l'imaginaire marocain, comme “sacro-sainte”. Enfin, et pour tous ces faits, je tiens à souligner que je suis profondément surpris par la teneur d'un entrefilet publié par un titre de la presse nationale dans sa livraison du 30 août dernier, dans lequel l'auteur évoque des handicaps sémantiques que contiendrait la lettre présidentielle, adressée à la famille du défunt. En pareille circonstance et au-delà de la pratique diplomatique, je n'aurai naturellement pas un instant hésité de suivre l'exemple présidentiel de lui rendre hommage, ni l'idée de conforter sa famille, comme étant celle d'un grand homme. Un homme qu'on qualifiait au Maroc de “pro-algérien”. La noblesse de l'âme et l'honnêteté intellectuelle imposent naturellement de voir toutes les subdivisions de l'itinéraire de l'homme, pas forcément noires, car il y a aussi dans son parcours beaucoup de strates lumineuses. Il serait donc injuste de le montrer du doigt ou de le jeter aux chiens.
O. E. B.
(*) universitaire


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