«Le processus politique se poursuit» en Catalogne, a affirmé hier le président nationaliste de la région, Artur Mas, réagissant à la décision rendue la veille par le Tribunal constitutionnel. Les nationalistes au pouvoir en Catalogne, engagés dans un bras de fer avec Madrid, assurent qu'ils poursuivront leur feuille de route vers un referendum sur l'indépendance, malgré le rejet par la justice espagnole de la déclaration de souveraineté de la région. Pour les indépendantistes de gauche de ERC, deuxième force politique régionale derrière les nationalistes de CiU, «la feuille de route vers la consultation ne doit pas être changée d'un millimètre». Pourtant, nul ne sait aujourd'hui jusqu'où Artur Mas et ses alliés sont réellement prêts à aller, alors que l'expression du nationalisme catalan dans l'opinion publique gagne chaque jour en ampleur. Les deux partis, qui dominent le Parlement de cette région du nord-est de l'Espagne, veulent organiser le 9 novembre un referendum, jugé illégal par le gouvernement central, sur l'indépendance de la Catalogne, point d'orgue d'une poussée nationaliste avivée ces dernières années par les effets de la crise économique. La question sera double: «Voulez-vous que la Catalogne soit un Etat?» et si oui, «Voulez-vous que cet Etat soit indépendant?» Mardi, le Tribunal constitutionnel a annulé partiellement la déclaration de souveraineté votée par le Parlement catalan en janvier 2013, qui a servi de base au projet de référendum, dans un arrêt dont les ambiguïtés laissaient place aux interprétations dans les deux camps. La décision déclare «nul et inconstitutionnel» le principe selon lequel «le peuple de Catalogne a, pour des raisons de légitimité démocratique, un caractère de sujet politique et juridique souverain». Il reconnaît en revanche «le droit à décider» du peuple catalan tant qu'il s'exerce dans le cadre de la Constitution, «pourvu qu'il ne consacre pas un droit à l'autodétermination non reconnu dans la Constitution». «La décision ne laisse place à aucun doute sur l'illégalité de la déclaration de souveraineté», commentait hier le quotidien espagnol de centre-droit El Mundo. «Je vois peu de possibilités d'issue juridique», soulignait Xavier Arbos, professeur de Droit constitutionnel à l'Université de Barcelone, estimant que «la décision ouvre la porte au dialogue politique, mais ne donne aucune marge sur la viabilité d'une consultation». «Le Tribunal constitutionnel donne la possibilité de continuer à débattre de la question, sans que cela puisse être interprété comme un droit à l'autodétermination», ajoute-t-il. Alors que la Chambre des députés doit débattre de cette question le 8 avril, le gouvernement espagnol, dirigé par les conservateurs du Parti populaire, ne cesse de répéter qu'un référendum serait illégal et qu'il n'aura pas lieu. «J'ai toujours été disposé au dialogue, mais dans le cadre de la Constitution et de la loi. Tous ceux qui prétendent modifier la Constitution peuvent le demander, mais en suivant les règles que cette même Constitution établit. C'est cela l'Etat de droit», assurait le 25 février le chef du gouvernement, Mariano Rajoy. Artur Mas a, lui, promis qu'il agirait dans le cadre de la légalité. A l'origine nationaliste modéré, son discours s'est pourtant radicalisé depuis les élections régionales de novembre 2012, qui ont marqué un recul de son parti et l'ont contraint à s'allier avec l'ERC.