Le règne de Mohammed VI est «un rendez-vous raté avec l'Histoire», a déclaré le cousin du roi, qui a aussi évoqué la question du Sahara occidental au quotidien français Le Monde. Chose promise, chose due. Moulay Hichem s'était engagé à nous livrer un portrait sans concessions des membres de la famille royale. C'est fait. Son livre intitulé Journal d'un prince banni publié chez Grasset est en librairie depuis hier. Que raconte-t-il de si croustillant? Le Nouvel Observateur avait annoncé la couleur et nous avait mis l'eau à la bouche. «Pour la première fois, un prince alaouite, troisième prétendant à la succession du trône, raconte l'envers du décor des despotismes orientaux. Les arcanes du sérail, les complots de la cour. Il dresse le portrait de chacun des membres de la famille royale. De Hassan II, despote pervers et génial, qui voulait «pendre ses ennemis par les cils de leurs yeux», jusqu'à l'actuel roi qui exerce son métier à contrecoeur», avait révélé sur son site l'hebdomadaire français dans un article daté du 10 décembre 2013 (Voir L'Expression du 12/12/2013). Aujourd'hui, il nous livre son verdict sur près de quinze années de règne (23 juillet 1999) de l'héritier de Hassan II. «Un rendez-vous raté avec l'Histoire», a déclaré sans concessions le cousin du roi, qui a aussi évoqué la question du Sahara occidental, au quotidien français Le Monde. Un conflit autour duquel le souverain marocain tente de faire l'«union sacrée» pour reléguer au second plan toutes les frustrations de son peuple. Moulay Hichem en fait la démonstration. Une position aux antipodes de celle du pouvoir marocain qu'il vilipende. Ce qui explique son bannissement du Palais royal. «Le Maroc bute sur le Sahara parce qu'il n'a pas de projet de démocratisation.» Le problème du Sahara est le même que celui du Maroc: au lieu d'engager les gens sur une base citoyenne, on les a engagés sur des bases clientélistes. Et le clientélisme ne donne rien.», déplore-t-il. «Cette décentralisation va forcément devoir intégrer des principes de droit international. Je veux m'en tenir là, parce que si je dis «autodétermination», nous allons entrer dans des qualificatifs de «traître à la patrie», etc. Mais forcément, cette décentralisation doit être au diapason du droit international. Tout le reste est une question de négociations», reconnaît courageusement le prince rebelle qui préconise: «La mise à mort du Makhzen...» Pourquoi? «C'est un pouvoir néo-patrimonial qui empêche le développement économique, un système de prédation et de subjugation. Il ne peut donc pas libérer les énergies économiques et donc il ne pourra pas, non plus, faire monter l'eau de la source. Le deuxième volet, c'est la création d'un véritable Etat moderne, un Etat de droit. Aujourd'hui, nous avons une monarchie avec une Constitution. Nous n'avons pas une monarchie constitutionnelle», souligne Moulay Hichem qui pointe du doigt celui qui a tissé le lit de ce type de gouvernance. Pour l'argumenter, il n'hésite pas de faire un parallèle entre Hassan II et son héritier. «Sous Hassan II, il y a eu une alternance avec un gouvernement socialiste coopté. Cela aurait pu mener à la démocratie», indique-t-il. Que s'est-il passé par la suite? «Or qu'a fait Mohammed VI? Il a abandonné la logique démocratique pour un gouvernement de technocrates en 2002, puis cinq ans après, avec une autre issue de l'Istiqlal (seconde force politique, Ndlr) qui a été vidée de toutes ses prérogatives avec la création de commissions royales et de hautes instances», relève-t-il. «A partir de 2007-2008, Mohammed VI s'apprêtait à donner le coup de grâce avec la création d'un nouveau parti, le PAM. Il ne reculera qu'avec les mouvements populaires et le «printemps arabe», fait remarquer le prince banni. Qu'est-ce qui le fait courir? «Je veux éclairer les gens, contribuer aux débats et, dans ce cas précis, faire comprendre une partie de l'histoire contemporaine de mon pays. Je suis allé au coeur du réacteur», souligne Moulay Hichem El-Alaoui. Des propos qui ont certainement égratigné bien des oreilles au sein du Palais royal. A commencer par Mohammed VI. Le souverain marocain osera-t-il prendre la parole pour laver cet affront royal?