L'ampleur que prend le scandale d'Abou Ghatib, les difficultés à rétablir l'ordre mettent de plus en plus les Américains sur la défensive. Un attentat contre le domicile d'un haut fonctionnaire du ministère de l'Intérieur du Conseil transitoire irakien, ayant induit la mort de cinq personnes et des blessures plus ou moins graves pour 13 autres confirme que le contrôle de la situation sécuritaire échappe aux forces de la coalition, lesquelles pour parer au plus pressé, tirent dans le tas, comme cela a été le cas lors de la bavure commise au village frontalier d'Al-Quéim, entre l'Irak et la Syrie, où un cortège nuptial a été victime d'un raid de l'aviation américaine, laissant 41 morts dont la majorité des femmes et des enfants. Cette fébrilité des forces d'occupation américaines indique le degré d'incertitude où se trouve le projet américain pour l'Irak, projet qui, outre de demeurer flou, est battu en brèche par des violences parfaitement improductives des marines américains. La seule note positive enregistrée hier est le retrait des forces combattantes des miliciens de l'Armée du Mehdi de Moqtada Sadr et des marines américains du centre de Kerbala, après plus d'un mois de combat dans la ville sainte chiite. Ce retrait va permettre à la population, prise en otage par des forces antagonistes, de pouvoir souffler. Un des responsables des miliciens chiites indique à cet effet «Nous avons décidé de retirer toute présence armée du centre de la ville en attendant la finalisation d'un accord avec l'autre partie qui doit intervenir cet après-midi (hier)». Retranché depuis le début d'avril dans l'autre ville sainte, Najaf, Moqtada Sadr semble maintenant chercher une ouverture pour se dégager de ce guêpier, se mettant en fait à dos la population des deux villes saintes qui souffre le plus des conditions de guerre qui lui sont imposées. Mais les Américains sont aussi confrontés au scandale des prisonniers irakiens qui ne cesse de prendre de l'ampleur et dont chaque jour apporte un élément nouveau qui ajoute sinon à l'horreur, du moins à l'ignominie de soldats qui ont montré une insupportable bestialité, comportement encouragé en fait par le laxisme des hautes autorités politique et militaire américaines qui ont laissé faire, donnant quasiment carte blanche aux services de renseignement dans la menée des interrogatoires des prisonniers irakiens. C'est dans cette situation à tout le moins confuse, que Washington a décidé de dégonfler la baudruche qu'avait été Ahmed Chalabi, un homme et un parti (le Congrès national irakien, CNI) créés de toute pièce par le Pentagone et la CIA. C'est sur ce Chalabi que les Américains enquêtent, l'accusant d'avoir livré «des renseignements sensibles» à l'Iran, selon un responsable du FBI «Il existe des éléments montrant que Ahmed Chalabi a fait passer des renseignements sensibles en Iran et une enquête est en cours». Ces différents développements ont fait passer en arrière-plan, les efforts de l'émissaire spécial de l'ONU, Lakhdar Brahimi, pour la mise sur pied d'un gouvernement intérimaire auquel doit être transféré la souveraineté irakienne. Selon une déclaration, à une radio américaine, du secrétaire d'Etat américain, Colin Powell, l'émissaire onusien rendra publique bientôt, une liste de personnes, indiquant «J'espère que dans une ou deux semaines, l'ambassadeur Brahimi présentera une liste de personnes pour ce gouvernement (intérimaire)». Ce que confirme le secrétaire général de l'ONU, Kofi Annan, dans un message au Sommet arabe à Tunis, dans lequel il indique que les Nations unies restent déterminées à aider les Irakiens «à traverser cette période difficile de transition».