La Haute autorité indépendante de la communication audiovisuelle (Haica) a démontré une fois encore son impartialité et son sens national du jugement des programmes du paysage audiovisuel en Tunisie. Depuis son lancement en 2013, cette autorité de régulation et de surveillance des programmes télévisés des chaînes tunisiennes a toujours réagi dans un cadre légal et honnête dans sa mission de gendarme de l'audiovisuel. Ainsi, après les différents avertissements envoyés durant le Ramadhan 2013, la Haica a adressé cette semaine un avertissement à la chaîne Nessma qui a diffusé, le 7 mai dernier, des images violentes montrant l'exécution sommaire de sept prisonniers par le Front Al Nosra. Deux Tunisiens figuraient parmi ces recrues, qui ont été abattus par balles pour avoir combattu dans les rangs de « l'Etat Islamique en Irak et au Levant ». Conformément à l'article 29 du décret-loi 116, cet avertissement a donc été adressé pour « violation des dispositions et obligations prévues par les textes en vigueur », en l'occurrence le « respect des conventions et pactes internationaux relatifs aux droits de l'homme et aux libertés publiques », ainsi que le « respect de la dignité humaine », prévus à l'article 5 du même décret. C'est la deuxième fois qu'une télévision tunisienne est ainsi interpellée à cause d'images sur le terrorisme. La première fois c'était en août 2013, quand la première chaîne publique avait créé un précédent en diffusant des images insoutenables de soldats tunisiens morts lors d'une embuscade terroriste au mont Châambi. Les images du terrorisme ont fait leur apparition dans le paysage audiovisuel tunisien suite à l'entrée dans la société tunisienne du phénomène du terrorisme. Et d'autant que ce phénomène complique davantage le processus de régulation, autant médiatique que politique, car sacrifiant la dimension symbolique à la dictature de l'émotion. Ainsi, la vidéo reprise par Nessma TV, a été filmée et diffusée sur les réseaux sociaux par des membres du Front Al Nosra. Mais l'animatrice de Nessma TV justifiait sa diffusion par « la nécessité de sensibiliser les jeunes Tunisiens » tentés par le jihad, sur le danger de la situation en Syrie. Or, la chaîne Nessma a fait, sans le vouloir, de la propagande sur le Front Al Nosra. L'animatrice oublie peut-être que de telles images ont un double message, car suscitant, à la fois, de la répulsion et de la fascination. Cette fascination découle, dirait Jean Baudrillard, de ce que le terrorisme, «ça vise non pas à changer le monde, mais à le radicaliser par le sacrifice, alors que le système vise à le réaliser par la force ». Mardi dernier, elle a rendu public un communiqué où elle « exhorte la présidence du gouvernement tunisien à accélérer le processus de nomination des responsables à la tête de la radio et de la télévision publiques ». Pour rappel, le gouvernement tunisien actuel a accepté, en février 2014, la mise en place d'un processus de recrutement transparent pour procéder à ces nominations, telles que stipulé par l'article 19 du décret-loi 116. Mais, la dernière étape de cette procédure n'a pas été menée à terme, à cause des « atermoiements » de l'Exécutif, affirme la Haica. En conclusion, l'instance a mis en garde contre « la gravité de cette attitude » qui pourrait « compromettre les préparatifs indispensables à la prochaine échéance électorale ». [email protected]