La nouvelle de la démission de Lakhdar Brahimi de son poste d'émissaire de l'ONU pour la Syrie est tombée en début de soirée de mardi dernier. L'annonce a été faite par le secrétaire général de l'ONU, Ban Ki-moon, en présence de M.Brahimi, qui déclara devant la presse: «C'est avec un profond regret que (..) j'ai décidé d'accepter la demande de M. Brahimi de quitter ses fonctions le 31 mai 2014.» M.Ban rendit aussi hommage à «la patience et la persévérance» du diplomate algérien (il a eu 80 ans le 1er janvier dernier) qui avait pris en août 2012 le relais de Kofi Annan. En vérité, le départ du médiateur onusien n'était pas une surprise et était en fait attendue dès lors que Lakhdar Brahimi a été mis dans l'incapacité d'accomplir sa mission dans un conflit qui ensanglante la Syrie depuis trois ans. En effet, dès sa nomination, le diplomate algérien s'est heurté à des «conditions difficiles», voire, placé dans une situation plus ou moins fausse, dès lors qu'il a été dès l'entame contesté tant par l'opposition syrienne que par le régime de Bachar Al Assad. Ceux-ci ne semblaient attendre de l'émissaire de l'ONU que de conforter leur position. Tout en gardant ses distances avec le régime de Damas, il affirma d'autre part, qu'aucune conférence de paix «ne se tiendra sans une opposition crédible, représentant une importante partie du peuple syrien». En fait, il n'a jamais été accepté par le régime syrien qui critiquait l'indépendance du diplomate par rapport aux parties en conflit. Ni par l'opposition qui déjà tenta de manoeuvrer Kofi Annan, prédécesseur de l'émissaire de l'ONU. Or, sa mission n'était pas d'apporter son soutien à l'une ou l'autre partie, mais tenter de rapprocher leurs positions pour trouver une issue politique consensuelle au conflit. De ce point de vue, il faut dire que M.Brahimi n'a pas été au bout de sa mission qui, il est vrai, n'a pas été facilitée par une opposition et un régime arc-boutés sur des positions rigides qui n'ont permis aucune ouverture. Cela s'est vérifié lors de ladite conférence de Genève 2 qui s'est achevée en queue de poisson le 15 février dernier, trois semaines après ses débuts. D'ailleurs, Lakhdar Brahimi dira à ce propos sa déception pour ce non-aboutissement, indiquant: «Je suis désolé de dire qu'il n'y a rien de positif que nous puissions retenir», après le brusque arrêt des négociations intersyriennes, entamées le 22 janvier. Depuis, la situation n'a guère évolué. De plus, la décision du régime syrien d'organiser une élection présidentielle le 3 juin avait précipité le clash et mis un terme à sa médiation et à l'espoir d'un consensus entre les parties. Ce que Lakhdar Brahimi n'avait pas manqué de relever en critiquant une décision qui compliquait les choses estimant dans le même temps que cette initiative «sonnerait le glas de ses efforts». Il était dès lors patent que sa démission coulait de source. En fait, le départ, avant terme, de Lakhdar Brahimi, n'est pas étonnant, dès lors que le diplomate algérien a toujours mis au-dessus de tout sa probité morale et a toujours dit haut ce que dans le monde feutré de la politique internationale on chuchotait tout bas. C'est dire que la diplomatie n'a jamais été une paisible traversée jonchée de roses. Bien au contraire! La diplomatie est faite d'accommodements - qui ne remettent pas en cause la loyauté du diplomate - que le diplomate algérien a su mettre en valeur dans de nombreux pays en servant inlassablement la paix. Il a été le représentant spécial de l'ONU, notamment en Irak et en Afghanistan en 2001. C'est lui qui a été l'artisan de la fin de la guerre civile au Liban (1975-1990). La démission de Lakhdar Brahimi, dans une situation quelque peu particulière, semble de fait, mettre un terme à une longue et riche carrière diplomatique mise au service de la paix dans le monde.