Après la catastrophe minière de Soma et à une semaine de l'anniversaire des manifestations pour le parc Gezi, de nouvelles violences policières ont ravivé la colère contre le gouvernement islamo-conservateur turc de Recep Tayyip Erdogan, en pleine campagne présidentielle. Deux personnes ont été tuées et neuf blessées au cours de violents affrontements jeudi soir entre des manifestants antigouvernementaux et la police dans le quartier populaire Okmeydani à Istanbul.Les forces de l'ordre ont tiré en l'air à balles réelles, avant de viser les protestataires pour les disperser, ont rapporté des témoins, confirmant des informations de presse. Peu avant minuit jeudi, le gouverneur de la ville d'Istanbul a annoncé la mort d'une première victime, Ugur Kurt, âgé de 30 ans. L'homme qui se trouvait aux funérailles d'un proche, et dont la participation aux manifestations n'a pas été établie, a reçu une balle en pleine tête tirée par la police qui tentait de disperser les manifestants. L'annonce de son décès a mis le feu aux poudres et jeté dans les rues de la mégalopole des centaines de personnes qui ont affronté toute la nuit les forces de l'ordre. Au cours de ces incidents nocturnes, dix personnes dont huit policiers ont été blessés. L'une des victimes, un homme selon les images relayées par les réseaux sociaux, a succombé à ses blessures, portant à deux le nombre de morts en moins de 24 heures. A la mi-journée, de nouveaux incidents sporadiques se sont déroulés à Okmeydani. Une dizaine de manifestants s'en sont pris à une voiture de police dont les occupants ont fait usage de leurs armes pour disperser le groupe. L'ambiance restait électrique alors qu'une cérémonie religieuse à la mémoire d'Ugur Kurt doit se tenir à 18h00 (15h00 GMT) à Okmeydani. Une enquête pour déterminer les circonstances des tirs et retrouver l'auteur du coup de feu mortel a été ouverte. Vingt armes de service des policiers ont été saisies pour des analyses balistiques. Le pays n'avait pas connu une telle violence depuis les grandes manifestations du printemps dernier. Parties de la défense du parc Gezi, à Istanbul, elles s'étaient transformées en une contestation inédite du Premier ministre Erdogan et de son Parti de la justice et du développement (AKP) au pouvoir depuis 2002. L'accident dans la mine de charbon de Soma (ouest de la Turquie) la semaine dernière, dans laquelle 301 mineurs sont décédés, a ravivé la colère de la population contre le gouvernement. Les pouvoirs publics et l'entreprise Soma Holding sont accusés d'avoir négligé la sécurité des mineurs et d'avoir manqué d'empathie à l'égard des victimes. Le propriétaire de la mine, Alp Gürkan, est mis en cause pour avoir privilégié le rendement de l'entreprise au détriment des conditions de sécurité des mineurs. Huit personnes ont été inculpées et écrouées, dont le PDG de la mine. Les nouvelles violences qui se déroulent depuis deux jours à Istanbul surviennent dans un contexte de campagne électorale. Dans un discours, Recep Tayyip Erdogan, pris à partie par la rue et l'opposition depuis un an, a accusé vendredi les manifestants d'être des «terroristes» prêts à «diviser le pays comme en Ukraine».