Ils figurent dans les comptes rendus des massacres. Leur nombre ne cesse d'augmenter dans la comptabilité macabre des victimes de la tragédie nationale. Ils ont droit au même «châtiment» que les grands. Ils, ce sont ces milliers d'enfants assassinés pour des raisons qui échappent à leur perception ou parce que leur mort répondait à des considérations politico-théologiques propres à la nébuleuse armée. Cette année encore, ce n'est pas tous les enfants d'Algérie qui auront leur fête. Une majorité d'entre eux ignorent jusqu'à l'existence d'un tel événement. La célébration de la Journée mondiale de l'enfance aurait eu l'impact voulu et aurait gagné à sa cause tous les oubliés et les victimes qui ont survécu aux razzias des groupes armés. Un moment solennel pour se rappeler tous les enfants anonymes qui égayaient, jadis, les hameaux et mechtas de Médéa et d'ailleurs, broyés par la machine diabolique du GIA. Car qui se souviendra encore de Mounir, Salem et Abdelkader tués à la mi-janvier de l'année 2001, alors qu'ils disputaient une partie de baby-foot dans une salle de jeux à Tamesguida. Les assaillants ont tiré dans le tas avant de prendre la fuite. Les victimes étaient âgées entre 10 et 16 ans. Quelques jours après, le 21 janvier, huit enfants sont assassinés à Khittan, périphérie de Médéa. La famille Belkous était attablée, quand un groupe armé encercle la demeure et ouvre le feu sur ses occupants. Parmi les victimes, il y avait Kamel, Amine, Fouzia et Sara, tous des enfants de condition modeste. Il en sera de même pour Saïda, Ahmed, Assia et Smaïn, criblés de balles, lors d'une attaque terroriste contre une paisible famille de Berrouaghia, dont douze membres seront assassinés de sang-froid. Smaïn avait à peine 5 ans, comme Djillali tué dans un faux barrage à l'entrée d'Ouzera, le 27 juillet 2001, qui a fait 10 autres victimes, pour la majorité des pères de famille qui regagnaient leurs domiciles. Abdelhak, 5 ans et Moncef, 7 ans, auront le crâne fracassé, lors d'une tuerie, au mois d'avril 2001, à Berrouaghia. Des scènes d'horreur pareilles sont légion dans les récits de massacres perpétrés durant la décennie rouge à El-Ouina, Ouled Brahim, Ouzera, Berrouaghia, Ksar El-Boukhari, Bouchrahil, Ouled Bouachraâ ou ailleurs, là où l'hydre terroriste déployait ses tentacules. La fuite des hameaux isolés de Zoubiria fut très brève et fatale pour la famille Noua, réfugiée à Berrouaghia. Leurs enfants, Yahia, 12 ans et Nawal, 8 ans, seront égorgés dans leur vieux haouch. D'autres noms, d'autres récits abominables vont émailler le quotidien des populations de la wilaya de Médéa. Tel bébé accroché à la porte à l'aide d'un clou, l'autre égorgé dans les bras de sa mère ; un autre brûlé vif ou décapité. Les jeunes bergers ont constitué de tout temps, une proie facile pour les groupes armés, plusieurs d'entre eux furent enlevés, torturés puis décapités et jetés à la lisière des forêts. Même absent, le terrorisme fait toujours des victimes parmi cette catégorie. Un nombre important d'enfants a été victime d'engins explosifs dissimulés par les terroristes dans des maisons abandonnées ou sur certains itinéraires très fréquentés par le passé. Les infirmes se comptent par dizaines. Ils doivent vivre avec une jambe ou un bras en moins. A cette longue liste, il faudra ajouter les quelques deux mille orphelins, dont les deux tiers ont moins de 15 ans, qui ont sombré dans l'anonymat au même titre que leurs parents. L'occasion de la Journée mondiale de l'enfant aurait pu servir de prétexte pour entreprendre un geste, même symbolique, en direction de ces enfants et faire revivre en eux cet espoir perdu. Un souvenir à la mémoire des enfants assassinés est le premier des devoirs d'une nation qui aspire à la réconciliation et à la paix.