Une vue de Béjaïa Une économie productive va à l'encontre des intérêts politiques et financiers du régime en place qui cherche à se maintenir et rester fort en affaiblissant le peuple. Invité de la dynamique équipe du Café littéraire pour débattre de son livre intitulé Les fondements politiques de l'économie rentière en Algérie, édité par l'édition Déclic, l'auteur Mourad Ouchichi, un jeune universitaire qui appartient à la génération intermédiaire entre l'ancienne et la nouvelle, s'est laissé emporter par les questionnements des présents en s'affichant tantôt écrivain et analyste de la scène politico-économique, tantôt militant en déclinant son identité politique de gauche sans liaison organique. En l'espace d'un après-midi, l'assistance nombreuse au Théâtre régional Malek-Bouguermouh s'est retrouvée dans une ambiance des grands débats provoqués par le conférencier qui commença par une introduction courte et objective en déclinant d'abord comment lui est venue l'idée du livre: «Mon ouvrage est à l'origine une thèse qui s'est transformée en livre. En étant étudiant, j'ai constaté que les lois et les concepts qu'on nous enseignait n'étaient pas appliqués sur le terrain. Chemin faisant, quand j'ai vu, une fois en France, comment fonctionne réellement l'économie avec ses concepts et différentes thèses, j'ai commencé alors à me poser des questions sur le fonctionnement politique de l'économie» avait-il développé avant d'ajouter «c'est aussi, suite à ma rencontre avec l'auteur et chercheur Lahouari Addi que l'idée de traiter du fonctionnement politique de l'économie en général et de l'économie algérienne en particulier a germé pour aboutir en fin de courses sur mon premier livre.» D'emblée, histoire de cadrer les débats, le jeune auteur résume la portée de son analyse par un passage fort éloquent de son livre: «Ce système obéit à une logique d'ensemble dont la continuité ne fut remise en cause ni par les multiples changements à la tête de l'Etat, ni par les différents mouvements de réformes économiques engagés depuis le début des années 1980.» Mourad Ouchichi, dans son analyse, a su, en un laps de temps, identifier les maux qui gangrènent et rongent l'économie algérienne en optant pour une remarquable et profonde réflexion sur l'évolution de cette dernière et les facteurs qui ont engendré l'Etat rentier de l'économie algérienne: «Jamais l'économie n'a été le centre d'intérêt et de préoccupation du pouvoir. Le pouvoir veut réellement d'une économie productive, mais dès qu'il constate la perte du pouvoir politique il revient à la charge, car son seul objectif est de se maintenir au pouvoir et rester fort en affaiblissant le peuple.» A une question sur le pourquoi de la langue et la lente transition marquant le passage de l'économie administré vers l'économie de marché, le conférencier rétorque par une citation de Gramsci: «L'échec de cette longue transition n'est pas expliqué à nos jours, comme disait Gramsci, il y a crise lorsque l'ancien monde tarde à mourir et le nouveau monde tarde à voir le jour.» À la fin de sa conférence, tout en reconnaissant que l'économie rentière a créé une société rentière en élargissant le cercle rentier par la multiplication des clans rentiers, l'auteur revient sur les éléments de base avec lesquels le pouvoir s'est toujours appuyé pour se maintenir: «L'Algérie a raté les trois grandes révolutions qu'a connues l'humanité, à savoir, les révolutions intellectuelle, industrielle et scientifique. Après son maintien par une légitimité historique suivie de celle liée à la lutte antiterroriste, le pouvoir en place sort ces dernières années la carte du développement économique. Voilà en résumé les trois facteurs mobilisateurs qui ont pu maintenir le régime depuis l'indépendance à nos jours.»