Actuellement, le gaz de schiste n'est rentable ni en Algérie ni dans aucun autre pays, estiment certains experts. L'accord donné par le président de la République, Abdelaziz Bouteflika, au lancement des opérations d'exploration du gaz de schiste ne doit pas être interprété comme un «feu vert à l'exploitation immédiate» mais comme une phase d'évaluation du potentiel non conventionnel en Algérie, estiment experts et responsables. Abdelmadjid Attar, ancien P-DG de Sonatrach, a précisé à l'APS que le programme de 11 forages de gaz de schiste approuvé par le Conseil des ministres «correspond à une autorisation destinée à Sonatrach pour mener une simple campagne d'évaluation technique et financière des possibilités de produire ou non ce gaz». La lecture de la décision du Conseil des ministres faite par Attar s'inscrit a contrario de la plupart des commentaires et analyses publiés dernièrement par la presse nationale qui ont interprété les dernières mesures comme un «feu vert à l'exploitation du gaz de schiste». Selon lui, il fallait un accord du Conseil des ministres à l'appel à la concurrence international lancé dernièrement par l'Agence nationale pour la valorisation des ressources en hydrocarbures (Alnaft) en vue de trouver des partenaires en mesure de mener avec Sonatrach des travaux de recherche de façon générale, dont des hydrocarbures non conventionnels. Et de poursuivre: «Vous comprenez donc que le gaz de schiste n'est pas pour demain.» Actuellement, le gaz de schiste n'est rentable ni en Algérie ni dans aucun autre pays. En dehors des Etats-Unis où le contexte est complètement différent, l'exploitation de ce gaz non conventionnel se fait à perte dans le reste du monde, selon Attar. De son point de vue, l'exploitation de gaz de schiste ne peut survenir qu'en guise d'appoint «pour assurer la sécurité énergétique du pays». L'ancien P-DG de Sonatrach tient à souligner que le débat sur le gaz de schiste est «un peu faussé» en ce qui concerne d'éventuels risques sur l'environnement. «Le gaz naturel reviendra beaucoup plus cher qu'aux Etats-Unis, où il y a un soutien de l'Etat (3,5 dollars le million BTU). En Europe, on parle d'un coût double. Pour l'Algérie, il faut ajouter un autre différentiel ce qui ramènerait le coût autour de 15 dollars. Il n'y aura pas d'acheteur à ce prix», a-t-il avancé. Francis Perrin, président de Stratégies et politiques énergétiques, un centre de recherches et d'études sur le pétrole basé à Paris, relève de son côté que cette décision «vient en application de la nouvelle loi sur les hydrocarbures de 2013 qui contient plusieurs dispositions sur les hydrocarbures non conventionnels». Pour lui, il faut d'abord avancer dans les études d'évaluation et passer à l'étape de l'exploration avec forages pour pouvoir donner des estimations chiffrées sur la rentabilité de l'exploitation en Algérie. Les 31 permis accordés par Alnaft à l'exploration en 2014 comprennent des zones considérées comme ayant un potentiel important en hydrocarbures non conventionnels. Selon le directeur de la rédaction du magazine spécialisé Pétrole et Gaz Arabe (PGA) l'exploration de ces périmètres prendra plusieurs années. Les découvertes qui seront réalisées vont permettre à l'Algérie de disposer d'informations techniques et économiques plus précises sur l'exploitation. En cas de découvertes «il faudrait encore des années pour développer ces réserves». Le développement du gaz et du pétrole non conventionnels, c'est du moyen à long terme, pas du court terme, insiste à dire M. Perrin. De son côté, le professeur Chems Eddine Chitour de l'école nationale polytechnique d'Alger, relève qu'en raison de ses coûts élevés, la production du gaz par fracturation hydraulique a été interrompue par les compagnies pétrolières «supermajors» comme Shell et BP, pour manque de rentabilité. Il explique que la gaz de schiste doit faire partie d'un bouquet énergétique, mais son exploitation «viendra à son heure quand les techniques d'extraction seront matures et respectueuses de l'environnement... C'est cela la transition énergétique vers le développement durable», recommande Chitour qui dirige le laboratoire de valorisation des énergies fossiles de l'Ecole nationale polytechnique d'Alger. Pour lui, «il n'y a pas d'extraction avec fracturation hydraulique sans impact environnemental. Un forage de schiste a besoin de 15 à 20.000 m3 d'eau douce par fracturation», met-il en garde. «L'Algérie dispose d'une nappe phréatique millénaire de 45 000 milliards/m3. Toutes les oasis du Sud vivent de cela et on condamnerait définitivement toute vie au Sahara», a-t-il encore prévenu.