Les chefs d'Etat et de gouvernement de l'UE se retrouvaient hier soir pour un sommet dans l'urgence à Bruxelles afin de répondre à l'inquiétude exprimée lors des élections européennes marquées par une percée de l'extrême droite. «Le moment est venu de changer les politiques européennes», martèle le chef du gouvernement italien, Matteo Renzi. Fort de son succès aux Européennes - il a fait triompher le centre gauche, refluer le populiste «Beppe» Grillo et neutralisé la droite de Silvio Berlusconi -, Renzi demande une réponse européenne rapide et veut mettre à profit le semestre de présidence italienne des réunions ministérielles de l'UE à partir du 1er juillet pour lancer des actions. L'idée est de débloquer rapidement la désignation des nouveaux dirigeants des institutions de l'UE et de fixer un programme d'actions européennes, pour la relance, l'emploi et la gestion des flux migratoires. Mais M. Renzi aura besoin de soutiens parmi ses pairs et la chancelière allemande Angela Merkel est loin d'être sur la même longueur d'onde. «Les électeurs ont demandé un arrêt des politiques de rigueur et un changement», a lancé lundi à Bruxelles le ministre italien des Affaires européennes, Sandro Gozi, à l'issue d'un conseil des ministres européens chargé de la compétitivité. La montée des europhobes «est regrettable», a répondu Mme Merkel. «Maintenant il s'agit de reconquérir ces électeurs (...) Une politique de compétitivité, de croissance et d'emplois est la meilleur réponse au mécontentement». Le désaccord est manifeste et le jeune dirigeant italien va chercher l'appui de François Hollande. Mais le chef de l'Etat français arrive à Bruxelles affaibli par la percée du Front National. Le parti d'extrême droite anti-européen est devenu la première force en France et veut imposer ses vues sur les politiques européennes, notamment sur l'immigration. Matteoa Renzi demande davantage de solidarité de ses partenaires pour aider l'Italie à gérer les arrivées de demandeurs d'asile sur leurs côtes. La France entend «protéger ses frontières», lui a répondu François Hollande. L'Europe est devenue «illisible, lointaine et incompréhensible» et «cela ne peut plus durer», a jugé le président français. Il a plaidé pour «réorienter» l'Europe qui doit «se retirer là où elle n'est pas nécessaire». Le président français a semblé ainsi faire un petit pas vers le Premier ministre britannique David Cameron qui, depuis longtemps, réclame une Europe à la carte et l'arrêt du transferts de compétences nationales vers l'UE. Alors que le parti europhobe Ukip a remporté les élections européennes loin devant les conservateurs, M. Cameron devrait de nouveau insister pour remettre en cause certains acquis communautaires comme la libre circulation des personnes et des travailleurs au sein de l'UE. La personnalité du successeur de José Manuel Barroso à la tête de la Commission européenne déterminera la manière dont les dirigeants européens entendent répondre aux inquiétudes manifestées par les Européens. Sa désignation doit intervenir rapidement, pendant que les forces europhobes sont encore désorganisées au Parlement européen, a souligné un responsable européen. Le candidat du Parti populaire européen (centre droit) Jean-Claude Juncker revendique le poste. Le PPE, qui rassemble les partis démocrates-chrétiens et de centre droit, est crédité de 213 sièges, soit 60 de moins que dans l'assemblée sortante. Sans soutiens, il ne réussira pas à obtenir les 376 suffrages nécessaires pour son élection. Or la personnalité de l'ancien Premier ministre luxembourgeois rebute les autres formations du Parlement européen et nombre de dirigeants, y compris dans sa famille politique comme le Premier ministre hongrois Viktor Orban, dont le parti Fidesz compte 12 élus au PPE.