Que se passe-t-il au groupement Berkine (Anadarko-Sonatrach) de Hassi-Messaoud où, près de 200 employés ont été renvoyés depuis mardi dernier? Des fonctionnaires, ingénieurs, indiquent les représentants du collectif des travailleurs objet de «licenciements», qui ont passé leur jeunesse à Hassi-Messaoud pour se voir en fin de compte «remerciés». Ayant appris la nouvelle, un employé, indique un travailleur joint par téléphone a tenté de se suicider, alors que d'autres, ils sont des dizaines, menacent de recourir à une grève de la faim. Les travailleurs du groupement Berkine n'écartent pas que cette vague de licenciements s'étende à d'autres groupements dans quelques mois. Dans une lettre adressée, hier, au chef du gouvernement le personnel sous-traité du groupement pétrolier dit être victime «de la mauvaise interprétation de votre circulaire». Car, lit-on dans le document, dont nous avons été destinataires d'une copie, «il n'a jamais été question de renvoyer le personnel actif, sachant que la circulaire n'a pas d'effet rétroactif». D'autant plus, tiennent à préciser les auteurs de la missive, que «les personnes renvoyées et qui occupent des postes organiques au sein du groupement Berkine ont été recrutées depuis des années sur la base de critères rigoureux» Le personnel licencié souligne que «le seul et unique argument avancé par le wali de Ouargla pour justifier notre exclusion est le fait de ne pas appartenir à cette wilaya». Qu'est-ce qui aurait donc motivé la décision de ce renvoi, au moment où l'Etat algérien fait de la lutte contre le chômage l'une de ses priorités? Les travailleurs, qui n'hésitent pas à lâcher les termes «régionalisme» et «ségrégation» pour le fait qu'un Algérien est remplacé par un autre pour la simple raison qu'il n'est pas natif de Ouargla, sont formels : la décision émane du wali de Ouargla qui a donné des instructions à l'Agence locale de l'emploi de mettre en application la circulaire gouvernementale du 14 mars 2004 portant gel des activités des sociétés de mise à disposition du personnel, communément appelées sous-traitants et activant dans la wilaya de Ouargla. Une décision prise, rappelons-le, au lendemain des émeutes ayant émaillé la région à la veille de l'élection présidentielle, en raison du problème du chômage auquel est confrontée la jeunesse locale qui reprochait aux autorités locales de privilégier la main-d'oeuvre des régions du nord du pays, au détriment de celle de la wilaya de Ouargla. Le dispositif de contrôle de l'emploi sera renforcé au cours des tout prochains jours après l'approbation en conseil de gouvernement mardi dernier, d'un projet de loi rendant effective «l'obligation faite à tout employeur de transiter par un établissement public à gestion spécifique, tant pour la déclaration d'offre d'emploi que pour le recrutement». Pour en savoir plus, nous avons pris attache avec M.Ahmed Melfouf, wali de Ouargla. Ce dernier tout en affirmant que la décision a été prise de concert avec le directeur de l'agence de l'emploi, du directeur d'Anadarko-Algérie, M.Bekkouche, en présence de deux représentants du ministère de l'Energie a tenu à apporter les précisions suivantes : «Je récuse le terme licenciement utilisé par les travailleurs contestataires qui sont en réalité en fin de contrat depuis fin mai dernier». Avant de poursuivre que sur les 468 personnes concernées par la mesure, 229 sont qualifiés alors que 232 sont sans qualification. Par ailleurs, poursuit notre interlocuteur, sur les 229 travailleurs qualifiés ceux qui sont de Ouargla conserveront leur poste. Idem pour ceux dont le domaine de qualification ne se trouve qu'à Ouargla. Ce qui n'est pas le cas bien entendu pour les employés originaires d'autres wilayas du pays et dont un certain nombre d'entre eux ont commencé à travailler sur le site avant même la signature du contrat d'association entre Sonatrach et la compagnie Anadarko. Quant aux gardiens, chauffeurs et autres travailleurs sans qualification, le wali préfère privilégier la main-d'oeuvre locale, de crainte de se retrouver de nouveau face à la grogne de la jeunesse ouarglie. Pour sa part, apportant sa version des faits sans pour autant verser dans «des considérations politiciennes» le P-DG d'Anadarko-Algérie, M. Bekkouche, estime que «les personnels, objet de la décision étaient sous contrats renouvelables et qu'ils dépendaient de deux ou trois sociétés de mise à disposition», ces fameuses «sociétés de négriers» qui ont fait couler beaucoup d'encre. Le responsable de la compagnie américaine, qui reconnaît que la circulaire du gouvernement n'est pas rétroactive, déclare que le dossier est piloté par le directeur de l'emploi de la wilaya de Ouargla, et que désormais tout recrutement doit passer par cet organisme public. Contacté par nos soins, le P-DG de Sonatrach, actuellement dans la capitale allemande, n'a pas pu nous livrer sa version des faits. De même pour le président de la Fédération des pétroliers M.Lakhdar Badredine, qui dit ne pas être au courant de cette affaire. Nous sommes donc devant une situation de fait accompli. Car, les personnels renvoyés sont non seulement victimes des sociétés de mise à disposition mais aussi de l'Etat qui a laissé faire des années durant, ces pratiques néo-esclavagistes. Des pratiques contre des citoyens algériens qui n'ont désormais plus droit de cité sur leur propre terre.