img src="http://www.lexpressiondz.com/img/article_medium/photos/P140531-10.jpg" alt=""L'Algérie est le plus beau studio de cinéma au monde"" / Il joue dans le nouveau film de Abderrahamane Sissako, Timbuktu. Et même si le film n'a reçu aucun prix au dernier Festival de Cannes, cela ne diminue en rien de sa valeur cinématographique et politique sous-jacente, des plus audacieuses. Film néanmoins qui a reçu le prix Francois-Chalais et le Prix oecuménique. Un de ses talentueux comédiens, d'origine algérienne ne qui n'est plus à présenter, évoque avec nous ce film important et nécessaire... L'Expression: Vous jouez le rôle d'un jihadiste qui sort de l'ordinaire. Comment vous-même qualifierez-vous votre personnage? Abel Jafri: mon personnage s'appelle Abdelkrim. J'ai beaucoup discuté avec Abderahmane Sissako autour de mon rôle au moment de la préparation du film. J'ai essayé surtout d'éviter les clichés auxquels on s'attend sur ce genre de personnage. Je suis allé sur quelque chose de plus humain. N'avez-vous pas eu d'appréhension à la lecture du scénario eu égard du sujet très épineux lié au terrorisme au Mali...? Je n'ai pas eu d'appréhension, car je pense qu'à un moment donné il ne faut pas se voiler la face aussi, car c'est important et le cinéma ça sert aussi à ça. C'est un tout. Il y a le cinéma de distraction, de comédie, il y a des films d'auteurs, des films politiques et c'est important aussi pour nous, des gens comme Abderrahmane et d'autres grands cinéastes algériens également qu'on puisse traiter nous-mêmes de nos problèmes, plutôt que d'avoir des tuteurs qui parlent en notre nom. Peut-être qu'eux, ont envie de faire passer un autre message ou ont un regard complètement différent. Nous, avec nos sensibilités, nos cultures, c'est bien qu'on en parle et je pense qu'on sera plus au fait et plus juste et peut-être dans ce qu'on a envie de raconter. Vous incarnez un jihadiste d'origine maghrébine, on le devine à cause de votre accent, il se retrouve dans le désert.Vous-même comment avez-vous appréhendé le fait qu'il y ait ce mélange d'humour dans un film aussi tragique? Parce que dans la tragédie, il y a aussi de l'humour. Et c'est la partie humaine qu'on a tous en nous, même si pour certains vont dans des champs très profonds, il y a toujours cette petite étincelle en nous et parfois il y a de l'humour et ce dernier est un outil aussi par lequel on peut faire passer des messages. Ça permet parfois de mieux faire comprendre les choses. différemment en tout cas. C'est la réalité aussi. Car dans la vie, le quotidien -parce que là c'est un film fiction, ce n'est pas un documentaire- je n'ai pas à chercher à être ce qu'il faut exactement être, mais ces personnes-là ont aussi de l'humour, mais tout en défendant des idées qui sont les leurs... Comment est Abderrahmane Sissako sur un plateau de tournage. Comment vous guide-t-il? Quels ont été ses conseils? Abderrahmane est quelqu'un de très calme. De très posé. Donc c'est reposant pour nous et ses techniciens sur le plateau, l'avantage est qu'il nous fait une grande confiance. A partir du moment où il y a cet échange, nous, on a beaucoup parlé, je lui ai fait beaucoup de propositions, j'avais une vision des choses, il m'a dit: «moi je prends et si ça ne me convenait pas je te le dirai...» Quelles étaient vos propositions? Cela concernait le jeu. Il me laissait une liberté de jeu qui était intéressante. La direction d'acteur c'est ça aussi. Pour moi, c'était très agréable. Ça permet de travailler dans une aisance. Après, quand il s'agit des acteurs débutants, c'est un peu différent. Ils n'ont jamais tourné même s'ils sont très bien, d'excellents acteurs. Par contre eux, il faut leur donner plus d'indications techniques. Quel regard portez vous justement sur ce qui s'est passé au Mali? Parce que c'est un film d'engagement... C'est un film d'engagement, mais pas seulement, car c'est un film universel. Ce n'est pas propre au Mali, ni aux pays du Maghreb. On a tendance à oublier que les extrémismes sont à toutes les portes aujourd'hui. En Europe, il y a bien une montée de l'extrémisme. Au nom de la démocratie, il y a de l'extrémisme qui monte en France, anti-arabe, anti-musulman, sauf qu'il est exprimé de façon différente, au nom de la démocratie et avec des lois. Mais le fond est le même. Ça ne change rien. C'est important aussi. Si on veut un monde meilleur, il est important de s'y atteler tous autant qu'on est pour le changer.. On croit savoir que vous préparez un nouveau film avec Rabah Ameur Zaïmeche. Un mot là-dessus? Avant de venir à Cannes, j'étais au Sahara, c'est pour cela que j'étais un peu perturbé. J'étais à Biska. J'adore cette ville. D'ailleurs, moi je suis du Sud, de l'oasis Aoulef qui se trouve après In Saleh. Mon père, que Dieu ait son âme est originaire de là-bas. J'en profite pour passer le bonjour à toute ma famille de Aoulef. Avec Rabah Ameur Zaïmeche, on a démarré un nouveau film sur Judas Escariote, sur la vie de Judas en fait. Rabah traite d'une nouvelle façon la vie de Judas. Un film long métrage d'époque avec des costumes. Moi je joue le rôle d'un des prêtres. J'ai déjà tourné avec Rabah dans Bled Number one, Le dernier maquis et d'autres films. Après, c'est une aventure, c'est quelqu'un que je connais bien... Vous ne souffrez pas de l'image du beur au cinéma en France? Vous avez bien fait de me poser ce genre de question, ce n'est pas que j'en souffre c'est triste carrément. Je vis en France depuis toujours. On est toujours stigmatisé avec cette image. Aujourd'hui, 20 ans après quand un réalisateur français fait un film il vient me voir en me disant: «je n'ai pas de rôle de Beur.» C'est ridicule parce que le cinéma c'est un métier tout comme le théâtre et je suis ouvert à tout. L'important est de travailler avec tous les continents. Je suis attaché à mes origines, c'est important je les défends. Ce qui est bien en Algérie, est que j'ai rencontré beaucoup de jeunes réalisateurs, de gens talentueux et j'espère que le cinéma algérien continuera à s'épanouir, à s'ouvrir et que ces derniers puissent travailler aussi à l'international et peut-être qu'avec des gens comme nous et d'autres on va pouvoir ramener ce vent parce que l'Algérie est d'abord un pays magnifique et c'est le plus beau studio au monde. C'est immense et ce n'est pas assez exploité. Il y a des décors merveilleux. Il suffit de planter une caméra et d'amener une équipe. Il y a plein de jeunes réalisateurs. Il faut les mettre en avant. Il faut leur donner la possibilité de s'exprimer. C'est à nous Algériens de raconter notre histoire. On n'a pas besoin encore une fois de gens qui viennent nous l'expliquer. Les Algériens eux-mêmes peuvent le faire. J'espère qu'il y aura d'autres grands cinéastes algériens qui vont venir et qui seront à Cannes un jour.