Le nouveau «raïs» égyptien, le maréchal à la retraite, Abdel Fatah al-Sissi, aura du pain sur la planche pour redresser l'Egypte Abdel Fatah al-Sissi, élu président de l'Egypte avec 96,9% des suffrages, va devoir redresser une économie au bord du gouffre mais aussi restaurer la sécurité alors que son régime est déjà accusé de violer les droits de l'homme. L'ex-chef de l'armée dirige de facto l'Egypte depuis près d'un an, après avoir destitué et fait emprisonner le 3 juillet 2013 l'islamiste Mohamed Morsi - premier chef de l'Etat civil élu démocratiquement -, puis lancé soldats, policiers et juges dans une implacable et sanglante répression contre ses partisans, notamment sa confrérie des Frères musulmans. M. Sissi et le gouvernement intérimaire invoquent la «lutte contre le terrorisme», après avoir interdit puis décrété les Frères musulmans «organisation terroriste». Ils les ont accusés de dizaines d'attentats ayant fait quelque 500 morts, selon les autorités, au sein des forces de sécurité depuis près d'un an. Et ce, même si ces attaques ont été revendiquées par des groupes jihadistes disant s'inspirer d'Al Qaîda. Tous les moyens ont été bons pour éliminer la confrérie et ses partisans: les forces de l'ordre ont tué 1400 manifestants pro-Morsi en quelques semaines, emprisonné plus de 15.000 Frères musulmans, dont la quasi-totalité de leurs leaders jugés, comme M.Morsi, dans des procès pour lesquels ils encourent la peine de mort. Et des juges ont condamné plus de 1 200 islamistes à la peine capitale dans des procès expédiés en quelques minutes qualifiés par l'ONU de «sans précédent dans l'Histoire récente» de l'humanité. Cette répression, applaudie par une large frange de l'opinion et tous les médias publics comme privés, avait, dès l'été 2013 déclenché une volée de bois vert en provenance de certaines capitales occidentales, comme Washington qui avait vivement critiqué une dispersion sanglante de manifestants pro-Morsi à la mi-août au Caire. Et des ONG internationales de défense des droits de l'homme qualifiaient déjà le régime de «plus autoritaire» que celui de Hosni Moubarak, déchu début 2011 à l'issue d'une révolte dans la lignée des Printemps arabes, après 30 années de règne sans partage. Après avoir éliminé l'opposition islamiste bien avant la présidentielle de fin mai, les autorités s'en étaient prises aux mouvements de la jeunesse révolutionnaire et laïque de 2011 qui s'inquiétaient de la tournure autocratique du régime. Leurs manifestations ont été interdites comme les autres et leurs leaders sont emprisonnés ou jugés. Les Frères musulmans ont appelé au boycott du scrutin et une grande partie de la jeunesse, désillusionnée, n'a pas voté, refusant le choix entre M.Sissi et son unique rival, Hamdeen Sabbahi, une figure de la gauche qui a servi de faire-valoir démocratique selon les experts. Ces profondes divisions dans le pays sont doublées d'une grave crise économique. Les réserves en devises ont fondu de moitié depuis 2011, les revenus du tourisme, secteur-clé, ont chuté de 12,5 milliards de dollars en 2010 à 5,8 aujourd'hui, et les investissements étrangers de 12 milliards par an à 2 milliards. Pour protester contre la répression visant les islamistes, Washington avait gelé en octobre sa manne financière annuelle de 1,5 milliard de dollars, essentiellement à l'armée. Mais l'Arabie saoudite et les Emirats arabes unis, qui ont également dans le collimateur les branches nationales des Frères musulmans, ainsi que le Koweït, avaient aussitôt remplacé l'aide américaine et internationale en finançant massivement le nouveau régime. Et mardi soir, aussitôt officialisée l'élection de M.Sissi, le roi Abdallah d'Arabie saoudite a appelé à une conférence des donateurs pour aider l'Egypte à se relever. Ces dernières semaines cependant, il semble que le reste de la communauté internationale se soit faite à l'idée d'un Sissi président. Washington a levé une partie du gel de son aide en avril et la Maison-Blanche a annoncé hier qu'elle était «impatiente» de travailler avec lui, tout en le pressant de «démontrer son engagement à protéger les droits universels de tous les Egyptiens». Mais la tâche sera rude pour un régime qui a d'emblée exclu toute réconciliation nationale.